Un hémisphère dans une chevelure, Le Spleen de Paris, Baudelaire, 1869 — Commentaire

Un hémisphère dans une chevelure (en prose), Le Spleen de Paris, 1869, Baudelaire.

Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air.

Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique.

Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.

Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur.

Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d’un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.

Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m’enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco.

Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.

Exemple d’un plan de commentaire du poème Un hémisphère dans une chevelure (prose), Le Spleen de Paris, 1869, Baudelaire

(ceci est évidemment un exemple, et non un modèle. Votre réflexion personnelle peut mener à d’autres pistes de lecture.)

Introduction :

Baudelaire, poète de la modernité au XIXème siècle, est influencé par la prose poétique d’Aloysius Bertrand dans son « Gaspard de la nuit ». Il se lance alors lui-aussi dans la prose poétique dans sa dernière œuvre, le recueil le Spleen de Paris (1869, parution posthume). Les thèmes du voyage, de l’amour et de la vie moderne y sont prédominants prédominants. (accroche)

Un hémisphère dans une chevelure est d’ailleurs la reprise d’un poème plus ancien des Fleurs du mal, « Une Chevelure ». Le poème en prose garde les mêmes thèmes (voyage, rêverie, éloge de la femme), la même construction (sept strophes pour sept paragraphes), mais se différencie de l’original par son écriture adaptée à la prose. Il n’est plus question ici d’écrire une ode, mais un texte lancinant et musical. (présentation du texte)

Comment à travers un poème en prose, Baudelaire nous-entraîne-t-il dans une rêverie poétique ? (problématique)

Dans un premier temps, nous analyserons le caractère poétique du texte, puis nous détaillerons les éléments de l’univers baudelairien dans le poème. (annonce de plan)

(introduction en quatre parties avec l’accroche, la présentation du texte, la problématique et l’annonce de plan).

I- Une texte poétique.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la réadaction)

a) Une écriture poétique.

    • chaque paragraphe de ce texte en prose correspond en fait la strophe d’un poème. D’ailleurs, chaque strophe n’est constituée que d’une ou deux phrases.
    • Une ponctuation abondante avec de nombreuses « , » qui rythme les phrases. Rythme renforcé par des conjonctions de coordination (comme « et »), et impression donnée de vers.
    • Une structure circulaire et répétitive poétique avec l’anaphore « Laisse-moi » pour débuter la première et la dernière strophe, et l’évocation des « souvenirs » dans ces deux mêmes strophes. Enfin, répétition au début de chaque strophe avec « les cheveux » (strophes 1, 2, 3) et « chevelure »(strophes 4,5,6).

b) Les procédés poétiques.

    • allitérations et assonances marquent le rythme des mots et des phrases. Allitérations en « l » très présentes dans le texte : « Laisse », « longtemps, longtemps », « l’odeur », « plonger », « altéré », « l’eau »…évoquent la présence liquide de l’eau. Assonances avec par exemple « les langueurs des longues heures » qui paraît encore étirer le temps.
    • Des anaphores et des répétitions participent aussi à mettre en place une musique lancinante et entraînante : « Dans » (au début des paragraphes 4,5,6), et « tout ce que »(paragraphe 2), pour les répétitions « longtemps »(paragraphe 1) par exemple.
    • De plus, des comparaisons et des métaphores (figures de style traditionnelles de la poésie) fourmillent dans tout le texte : « comme un homme altéré dans l’eau »(comparaison paradoxale), « comme un mouchoir odorant » ou « comme l’âme des autres hommes sur la musique », pour des exemples de métaphores « Mon âme voyage sur le parfum », ou « l’océan de ta chevelure ». Images créant un décalage poétique avec la réalité.

c) Un lyrisme omniprésent.

    • Dès le début du poème, utilisation de la première personne du singulier : « Laisse-moi », expression lyrique qui se poursuit dans tout le texte.
    • Expression d’un sentiment amoureux, avec une femme destinataire de ce poème « tes tresses lourdes et noires », qui fait aussi office de muse. Eloge de sa beauté à travers sa chevelure, métonymie de la femme aimée.
    • Evocation de moments intimes et personnels. Le poète fait ici référence évidemment à sa vie et donne l’impression de décrire un moment présent (utilisation de présent de l’indicatif tout au long du texte), et aussi des moments passés « des souvenirs »(dernier mot).
    • Emotions et sensations se mêlent dans cet éloge lyrique qui semble rappeler son amour, Jeanne Duval.

(phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction)

II- L’univers baudelairien.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) L’explosion sensorielle.

    • Les cinq sens interviennent à différents moments du texte : l’odorat « Laisse-moi respirer », la vue « tout ce que je vois ! », l’ouïe « chants mélancoliques », le toucher « les caresses de ta chevelure », et enfin le goût « que je mange ». Baudelaire construit un univers sensoriel très appuyé.
    • Il insiste notamment dans le deuxième paragraphe sur l’importance des sens avec des anaphores exclamatives qui constituent une accumulation sensorielle : « tout ce que je vois!tout ce que je sens!tout ce que j’entends dans tes cheveux ! ».
    • cette insistance est encore plus marquée pour l’odorat : « respirer », « l’odeur », « odorant », « je sens ! », « parfum », « parfumée », sixième paragraphe presque entièrement concentré sur l’odorat, sens directement lié à la mémoire, aux souvenirs.

b) Le thème du voyage.

    • Le champ lexical maritime est très développé dans le texte : « plein de voilures et de mâtures », « de grandes mers », « l’océan », « de navires »(x2), « port », « rivages ». Evocation du voyage en bateau, effectué par Baudelaire lors de sa jeunesse.
    • L’exotisme participe encore à cette impression de voyage : « vers de charmants climats », « tabac », « opium », « sucre », « azur tropical », « musc et de l’huile de coco ». Baudelaire nous emmène loin de l’Europe, et de la France, dans des îles tropicales.
    • C’est donc un voyage physique par bateau, mais aussi un voyage irréel, plus spirituel « Mon âme voyage », aussi un voyage dans le temps entre le présent et le passé « des souvenirs »(premier et dernier paragraphe).

c) Une rêverie.

    • L’auteur nous indique lui-même le caractère imaginaire de ce voyage : « Tes cheveux contiennent tout un rêve ».
    • il nous convie à un voyage sentimental et sensoriel « Mon âme voyage sur le parfum », « Dans l’océan de ta chevelure j’entrevois… » évoquent des situations concrètement impossibles, ainsi que « il me semble que je mange des souvenirs ».
    • c’est un instant de rêverie que nous montre bien le cinquième paragraphe : « dans la chambre d’un beau navire, bercées par le roulis », il est dans un état de demi sommeil. Impression renforcée par l’évocation de la drogue « l’opium ».
    • Enfin, le poème construit un idéal, un paradis avec des « charmants climats, où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est parfumée… », au caractère universel « de toutes nations » au paysages magnifiques « ciel immense », « l’infini de l’azur tropical ». Rêve d’un ailleurs aux sensations paradisiaques.

(phrase de conclusion lors de la rédaction de la partie)

Conclusion :

Ce texte en prose possède une indéniable portée poétique. L’écriture, le rythme, les figures de style employés rappellent la poésie versifiée. Ses images, sa structure comparable à des strophes, ainsi que son lyrisme le rapproche encore de l’expression poétique. Les thèmes traditionnels de la poésie de Baudelaire sont de plus présents comme le voyage, la rêverie, ou la place centrale accordée aux sens. (réponse à l’annonce de plan)

Le poète arrive à faire venir le lecteur dans sa rêverie. La poésie de sa prose, les répétitions l’entraînent dans une musique envoûtante. Le foisonnement des sens le fait se sentir tout proche du paradis agréable dessiné par l’auteur. Nous plongeons facilement avec lui dans ces pays lointains, magnifique et sensuels. (réponse à la problématique)

Ce poème en prose rappelle évidemment « La Chevelure » des Fleurs du Mal, mais aussi « Parfum exotique » qui ,dans le même recueil, met en avant Jeanne Duval, et décrit aussi un paradis tropical et lointain. (ouverture)
(conclusion en trois parties avec réponse à l’annonce de plan, réponse à la problématique, et ouverture).

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