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Analyse linéaire, étude linéaire, commentaire linéaire, Remords Posthumes, Les Fleurs du mal, Baudelaire, 1857.
(Analyse après le texte)
Remords posthumes.
Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,
Au fond d’un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir
Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse ;
Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir,
Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,
Et tes pieds de courir leur course aventureuse,
Le tombeau, confident de mon rêve infini
(Car le tombeau toujours comprendra le poëte),
Durant ces grandes nuits d’où le somme est banni,
Te dira : « Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ? »
— Et le ver rongera ta peau comme un remords.
Charles Baudelaire.
Analyse linéaire, étude linéaire, commentaire linéaire, Remords posthumes, Les Fleurs du mal, Baudelaire, 1857.
( Ceci n’est pas un modèle, mais un exemple. Vos réflexions personnelles peuvent mener à d’autres pistes de lecture.)
Introduction:
Baudelaire, poète de la modernité, publie son grand recueil Les Fleurs du mal en 1857. Il expérimente en passant du romantisme, au mouvement parnassien, puis en insufflant le symbolisme. De même, il remet au goût du jour la forme oubliée du sonnet, et popularise le poème en prose (Spleen de Paris, 1869). Il mène une vie de tourments et de difficultés dont l’angoisse se retrouve dans son concept central du Spleen (humeur dépressive). (accroche avec informations sur l’auteur).
Le poème « Remords posthumes » se situe dans la section « Spleen et Idéal » du recueil Les Fleurs du mal. Il est en trente-troisième position. Le personnage central de ce sonnet en alexandrins est Jeanne Duval, l’amour le plus important de sa vie, et muse de nombreux poèmes. Il relate sa mort imaginée, son séjour au tombeau avec dureté et acrimonie.(Présentation générale du texte).
Comment le poème traduit-il la déception amoureuse de Baudelaire ? (Problématique)
Le texte peut se décomposer en trois mouvements. Tout d’abord, dans la première strophe, Baudelaire décrit l’enfermement dans le tombeau. Le second mouvement de la deuxième strophe s’étend sur la décomposition corporelle. Enfin, les deux derniers tercets dévoilent l’alliance entre le poète et le tombeau pour punir la femme infidèle. (Annonce de plan, annonce des mouvements)
Premier mouvement: Une vision macabre.
– Le futur du premier vers « dormiras » indique la prolepse, l’anticipation, sur laquelle est construit tout le poème.
– La projection dans le temps est marquée par l’adverbe de temps « Lorsque ».
– La périphrase « ma belle ténébreuse » peut posséder plusieurs sens. Elle désigne Jeanne Duval, maîtresse de Baudelaire, mulâtre de couleur noire. Ténébreuse peut encore faire référence à sa chevelure adorée de Baudelaire, Enfin, les ténèbres en appellent évidemment aux enfers.
– Le premier vers montre encore la proximité entre les deux êtres avec le tutoiement « tu dormiras », et le sentiment d’appartenance « ma ».
– La périphrase « monument construit en marbre noir » est employé pour tombeau. Nous comprenons ici que « dormiras » était un euphémisme pour la mort.
– Dans ce deuxième vers, pas d’euphémisme, ni d’éloge (« belle » vers précédent). Tout évoque la froideur et la noirceur: le marbre, le caractère imposant d’un monument, le fond et le noir sombres.
– reprise presqu’anaphorique de « lorsque » au vers 3: « Et lorsque », avec de nouveau un futur prophétique après « tu n’auras ».
– La négation suggère une privation des éléments cités ensuite: « alcôve et manoir ». L’alcôve est un renfoncement dans un mur, un coin un peu dissimulé, confortable et intime propice aux rapports amoureux. Le manoir, lui, image plutôt le gigantisme, mais le confort encore.
– Le vers suivant informe que dans le futur, ces charmants endroits seront remplacés par « un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse ». Le parallélisme renforce l’impression de perte et d’enfermement.
– La diérèse dans « plu/vi/eux » étire le temps passé dans le tombeau. Cette atmosphère se ressent aussi avec le champ lexical de la profondeur: « Au fond », « caveau », « fosse », et le pleonasme « fosse creuse ».
– Enfin, la dureté du propos s’entend avec les allitérations en « r » (Lorsque, dormiras, ténébreuses, construit, marbre, noir…) et en « que » (Lorsque, construit, lorsque, alcôve, caveau, qu’une).
Deuxième mouvement: Une décomposition du corps entre vie et mort.
– Comme la première strophe débutait par un adverbe de temps, la deuxième commence par « Quand ». « la pierre » est évidemment une métonymie pour la pierre tombale qui appuie sur le poids et la dureté du matériau.
– L’impression d’exiguïté, d’enfermement devient une sensation pathétique, douloureuse: « opprimant ta poitrine peureuse ». Ici, Baudelaire oppose la poitrine triomphante de la belle vivante, à sa flétrissure naissante dans le tombeau.
– Le vers 6 rappelle le vers 1 et l’adjectif « belle »: « Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir », les flans sont décrits comme mous et attirants. Dans ce vers, nous quittons un instant l’univers de dureté pour la mollesse et la sensualité.
– Le retour du futur au début du vers 7 « Empêchera » évoque de nouveau la privation comme au vers 3. Ici, la compression du coeur: « ton coeur de battre et de vouloir ».
– le coeur est envisagé dans sa dimension physique, organique « battre » et morale, émotionnelle « vouloir ». Les deux sont liées et correspondent. Correspondance entre le concret et l’abstrait, la sensation et l’émotion. De nouveau, sensation d’oppression, d’enfermement.
– Le dernier vers de la strophe s’attarde sur les pieds, dernier élément corporel cité. Le poète insiste sur le caractère volage, infidèle de la femme presque frénétique avec la répétition « courir » et « course » pour des aventures sentimentales « aventureuse ».
– Si les dans les deux premiers vers du quatrain résonne la sensualité (poitrine et flancs), elle est absente des deux vers suivants.
– L’impression laissée est étrange. Une décomposition du corps se profile avec le catalogue de quatre éléments corporels différents comme s’ils se détachaient petit à petit. Seulement, la femme, Jeanne Duval ne paraît pas entièrement morte: la poitrine est opprimée, le coeur empêché de battre, comme si ces deux organes se battaient encore pour vivre.
– Dans le tombeau, elle vit une toiture physique, dont la justification paraît être son infidélité évoquée dans le vers 8.
Troisième mouvement: La vengeance du poète.
– Plus de périphrase pour le tombeau, après sa description dans la première strophe, le mot est simplement employé « Le tombeau ».
– Les deux premiers vers du tercet marquent la proximité du poète et de la mort: « confident de mon rêve infini » (nous retrouvons le déterminant possessif de la première personne du singulier comme au vers 1), « car le tombeau comprendra toujours le poète ».
– Le poète est lié au tombeau comme à un être, personnification du tombeau « comprendra ». Le Spleen se remarque donc, attirance vers les profondeurs, humeur macabre et dépressive, attirance de la mort. Mais, c’est aussi l’éternité du poète et de ses vers qui est mis en avant, comme celle de la mort.
– le poète et le tombeau sont alliés dans la vengeance contre la femme infidèle.
– le troisième vers du tercet balance encore vers le Spleen en nous contant les insomnies fréquentes de Baudelaire : « Durant ces grandes nuits d’où le somme est banni ». Sont-elles provoquées par son dépit amoureux?
– Enfin le dernier tercet débute par deux vers d’une prosopopée prophétique (le tombeau absent parle): « Te dira : « que vous sert, courtisans imparfaite/ De n’avoir pas connu ce que pleurent les mortels? ».
– Il laisse Jeanne Duval dans une conversation macabre avec un tombeau qui la juge d’une voix sépulcrale. La juge sur son infidélité « courtisane imparfaite », une courtisane était une femme entretenue, mais qui devait fidélité à l’homme qui l’entretenait.
– « ce que pleurent les mortels » peut faire référence à l’amour, à un véritable amour pur et honnête.
– Le tiret du dernier vers annonce la chute, l’implication de Baudelaire, et le jugement définitif : « – Et le ver rongera ta peau comme un remords. ».
– La décomposition du corps s’est accélérée. Sa putréfactions attire les vers, et sa peau jadis désirable est attaquée.
– Mais au-delà de la déchéance physique , cette chute insiste sur le caractère moral de la sentence avec la comparaison finale: « comme un remords ».
– le ver est le sentiment de culpabilité qui, d’après Baudelaire, la suivra dans la tombe. C’est encore évidement les vers du poème qui la marqueront et resteront indélébiles dans sa mémoire.
– Par ce poème, cette longue litanie (une seule longue phrase), Baudelaire promet une malédiction jusque dans la mort à Jeanne Duval, mais à la fois il fait étalage de sa déception.
Conclusion:
Le poème débute dans un tombeau sans au départ en donner le nom. Le premier quatrain décrit un univers de froideur et d’enfermement. Le deuxième mouvement s’attache à la décomposition physique du corps. Enfin, les deux derniers tercets donnent la clef pour comprendre la dureté du propos de Baudelaire. Allié au tombeau et à la mort, il lance une malédiction contre son ancienne maîtresse, et lui promet dans la tombe non un repos, mais une torture. (Reprise des conclusions des mouvements).
La colère du poète et sa cruauté apparente cache à peine un Spleen et un désespoir profond. Les quelques évocation de la beauté, de la sensualité de Jeanne Duval nous font bien comprendre qu’il la regrette. Son impuissance du moment l’oblige à imaginer un futur dans lequel il serait hypothétiquement vengé. (Problématique)
La vision macabre offerte par Baudelaire à Jeanne Duval s’oppose à d’autres poèmes dans lesquels il en fait sa muse, comme « Parfum exotique » ou « Un hémisphère dans une chevelure » qui offrent une rêverie sentimentale et utopique. (Ouverture)
Liens vers commentaires Un hémisphère dans une chevelure »: Un hémisphère dans une chevelure, Le Spleen de Paris, Baudelaire, 1869 — Commentaire
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