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Analyse linéaire, étude linéaire, commentaire linéaire, Sed non satiata, Les Fleurs du mal Baudelaire, 1857.
(Analyse après le texte)
Sed non satiata
Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Œuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d’ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l’opium, au nuits,
L’élixir de ta bouche où l’amour se pavane ;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
Ô démon sans pitié ! verse-moi moins de flamme ;
Je ne suis pas le Styx pour t’embrasser neuf fois,
Hélas ! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l’enfer de ton lit devenir Proserpine !
Charles Baudelaire
Analyse linéaire, étude linéaire, commentaire linéaire, Sed non satiata, Les Fleurs du mal, Baudelaire, 1857.
(Ceci est un exemple, et non un modèle. Votre réflexion peut mener vers d’autres pistes de lecture.)
Introduction:
Baudelaire, poète de la modernité, publie son grand recueil Les Fleurs du mal en 1857. Il expérimente en passant du romantisme, au mouvement parnassien, puis en insufflant le symbolisme. De même, il remet au goût du jour la forme oubliée du sonnet, et popularise le poème en prose (Spleen de Paris, 1869). Il mène une vie de tourments et de difficultés dont l’angoisse se retrouve dans son concept central du Spleen (humeur dépressive). (accroche avec informations sur l’auteur).
Le poème « Sed non satiata » se situe dans la section « Spleen et Idéal » du recueil Les Fleurs du mal. Il est en vingt-sixième position. Le personnage central de ce sonnet en alexandrins est Jeanne Duval, l’amour le plus important de sa vie, muse de nombreux poèmes, avec laquelle il a vécu une relation très longue et très tourmentée faite de nombreuses ruptures. Le titre du poème en latin (pour se préserver de la censure notamment) signifie « non satisfaite », et présente le thème central, l’impossibilité pour Baudelaire de répondre à tous les désirs sensuels de sa maîtresse.(Présentation générale du texte).
Comment le poète nous montre-y-il qu’il est d’élus l’emprise d’une passion qui le fait souffrir ? (Problématique)
Le texte peut se décomposer en deux. Tout d’abord, dans les deux premiers quatrains, Baudelaire nous décrit une ivresse de sensations provoquées par une femme qu’il adore et qui l’inquiète. Le deuxième mouvement composé des deux tercets dépeint une créature infernale qui fait souffrir le poète. (Annonce de plan, annonce des mouvements)
Premier mouvement: La célébration sensorielle et inquiétante de Jeanne Duval (les deux premiers quatrains).
– Le sonnet débute par l’adjectif « Bizarre » qui dès le départ crée un sentiment de malaise. « déité » signifie divinité. Baudelaire dit donc son adoration pour sa maîtresse.
– La comparaison qui suit est autant physique que morale : « brune comme les nuits ». Elle décrit la couleur noire de Jeanne Duval, mais peut s’interpréter aussi comme le caractère maléfique de son âme, noire aussi.
– Après la vision, l’odorat fait son apparition comme sensation: « Au parfum ». Contrairement à un Idéal léger, ici les parfums évoqués sont forts, puissants: « mélangé de musc et de havane ». Il rappelle aussi l’origine exotique, des îles de Jeanne Duval.
– L’évocation de cette origine exotique se poursuit dans le troisième vers: « Œuvre de quelque obi », un obi est un sorcier africain. « Faust de la savane », la savane de nouveau nous place en Afrique, mais étrangement Baudelaire y localise aussi Faust, pourtant européen.
– Les références à l’obi, et Faust, qui a passé un pacte avec le diable, donnent à Jeanne Duval une apparence inquiétante, maléfique.
– « Sorcière » qui commence le dernier vers du quatrain répond à la périphrase « Œuvre d’obi ». En effet, le sorcier a créé une sorcière. « flanc d’ébène » poursuit la description physique, avec le rapprochement entre la mollesse et la tendresse des flancs et la dureté de l’ébène. Ambivalence de Jenna Duval dans le premier mouvement.
– La métaphore « enfant des noirs minuits » rappelle une dernière fois la peau et l’âme sombre de Jeanne, comme enfantée par un sorcier lors d’un rituel démoniaque tard dans la nuit.
– Nous notons que l’accumulation de comparaisons se fait avec un rythme rapide, soutenu par les césures à l’hémistiche des alexandrins.
– « Je », première marque du lyrisme. Ensuite, dans ce vers 4, énumération de trois substances consommés par Baudelaire: deux vins « constance » vin d’Afrique du Sud, « nuits » vin de Bourgogne, et une drogue, l’opium. Il expose ses addictions.
– L’enjambement avec le vers suivant nous indique qu’il préfère aux sensations des vins et de la drogue « L’élixir de ta bouche ». De nouveau, un caractère magique, comme un philtre d’amour à travers un baiser. Et suite au « flanc » de la première strophe, une nouvelle occurrence de la sensualité, l’élixir liquide évoque la salive abondante.
– « où l’amour se pavane », proposition relative qui localise la source de l’amour physique et sentimental dans la bouche de Jeanne Duval. Le verbe « pavane » (comme un paon, de manière superbe) montre à la fois l’adoration du poète et l’emprise presqu’orgueilleuse de sa maîtresse.
– Le vers 7 constate la montée des désirs de Baudelaire et le mouvement qui le pousse vers elle: « Quand vers toi les désirs partent en caravane ». La métaphore de la caravane donne l’impression d’une succession de désirs multiples. Baudelaire se laisse submergé par ses sensations et son imagination « mes ».
– Le dernier vers du quatrain file la métaphore du désert, avec le besoin d’eau « citerne ». Après la bouche, un nouvel élément corporel, « Tes yeux », qui offre cependant moins de sensations, et vecteur du Spleen « où boivent les ennuis. On comprend que les regards de Jeanne Duval inquiète Baudelaire plus qu’ils ne le réconfortent.
– La présence des yeux au vers 8 fait le lien avec les deux tercets suivants. Ainsi que le point termine la longue phrase débutée au premier vers.
Deuxième mouvement: Une créature démoniaque. (Les deux derniers tercets)
– Les deux dernier tercets comportent un champ lexical développé de l’enfer, comme nous allons le voir.
– Le vers 9 décrit dans un premier temps les yeux de Jeanne avec des adjectifs: « deux grands yeux noirs ». On a l’impression que Baudelaire se perd, est englouti par ces yeux. Le noir, une nouvelle fois, revient, à la fois physique et spirituelle.
– La métaphore « soupiraux de ton âme » est contraire à l’habituelle ouverture des yeux vers l’intérieur qui élève, qui sublime. Ici, ils rabaissent au niveau de la rue et de ses détritus. L’âme qui transparaît ne peut être dès lors pure.
– « Ô démon sans pitié! » est une périphrase qui indique clairement la nature maléfique de Jeanne. Baudelaire commence ce vers comme une supplication. « verse-moi moins se flamme » informe sur sa demande. Il ne peut supporter le désir, la lubricité qui se voient dans ses yeux. Le vers suivant va nous apprendre qu’il ne peut la satisfaire.
– « Je ne suis pas le Styx qui embrasse neuf fois ». Le Styx est un fleuve qui faisait neuf fois le tour des enfers grecs. Ici, par la négation, et un présent de vérité générale, le poète exprime son incapacité à renouveler ses assauts, à lui faire l’amour à de multiples reprises.
– Le tercet possède un champ lexical des enfers: « démon », « flamme », « Styx » qui expose la peur de Baudelaire devant cette femme.
– « Hélas! » ouvre la dernière strophe. La charge tragique est puissante et accentuée par le point d’exclamation. L’enjambement avec le vers précédent traduit aussi le pathétique, la souffrance morale de l’auteur.
– renouvellement d’une négation « et je ne puis » renforçant le caractère tragique, le caractère insoluble de sa position.
– Ensuite, Jeanne Duval est comparée à une « Mégère libertine ». Si le terme mégère est devenue synonyme de femme colérique, acariâtre, avec une majuscule c’est une ds trois déesses du châtiment, une des trois Érinyes chargées de punir les criminels et de les rendre fous. La comparaison est donc encore démoniaque. « libertine » renvoie une nouvelle fois à l’appétit sexuel de Jeanne, et à ses infidélités.
– Les deux derniers vers construisent la chute. Baudelaire souhaiterait prendre le dessus « Pour briser ton courage et te mettre aux abois », casser ce cycle infernal pour lui. Mais, comme le soulignait la négation du vers précédent, il ne peut la « mettre aux abois », lui faire atteindre l’orgasme qui la mettrait à ses pieds.
– Le dernier vers retourne dans l’univers infernal: « Dans l’enfer de ton lit devenir Proserpine! ». Le lit, endroit heureux, chaleureux est décrit ici de manière opposée. C’est d’ailleurs le sien et non le leur. Proserpine était la reine des enfers. L’hyperbole finale nous fait comprendre que c’est image de Jeanne Duval qui l’emporte.
– Et si Baudelaire est en incapacité d’assouvir les désirs de Jeanne, c’est qu’il n’est pas une femme…comme Proserpine qui fait référence aux amours lesbiens de sa maîtresse.
– La chute et le point d’exclamation traduisent le tragique de la situation qui fait souffrir Baudelaire.
Conclusion:
Ce sonnet montre l’adoration ambivalente de Baudelaire pour sa maîtresse. Elle est à la fois un monde de sensations agréables, désirables, mais aussi ensorcelantes, impossibles à maîtriser. Les indices de la personnalité maléfique de Jeanne dans les deux premiers quatrains se multiplient dans les deux derniers tercets pour décrire finalement un personnage démoniaque, maléfique qui ne sait que faire souffrir le poète par sa lubricité. (Reprise des conclusions des mouvements)
Jeanne tourmente autant Baudelaire, car il ne peut la satisfaire. En effet, cette incapacité tient à la fois à l’emprise qu’elle a sur lui, et que lui n’a pas sur elle, donc à une position d’infériorité, mais encore au fait qu’il ne soit pas une femme. L’amour décrit est donc pathétique et tragique. (Réponse à la problématique)
Si Baudelaire a composé de nombreux poème inspirés par Jeanne Duval, ils ne possèdent pas tous la même tonalité. « Remords posthumes » est plus polémique. Le poète jette dans ce texte une malédiction sur Jeanne, y exprime sa déception et sa colère. (Ouverture)
Analyse de « Remords posthumes » ici: Analyse linéaire, étude linéaire, commentaire linéaire, Remords posthumes, Les Fleurs du mal, Baudelaire, 1857.
Et à lire, même si je ne suis pas Baudelaire 🙂 : Je lance un appel aux forces de l’amour! Faites circuler les poésies d’amour de lescoursjulien.com ?❤?
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