Analyse linéaire, étude linéaire, À une passante, Fleurs du Mal, Baudelaire, 1857, bac.

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Analyse linéaire, étude linéaire, « À une passante », Les Fleurs du mal, Baudelaire, 1857. Analyse après le texte:-)

(Ceci n’est pas un modèle, mais un exemple. Vous pouvez évidemment réfléchir à d’autres pistes de lecture)

A une passante

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?

Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!

Charles Baudelaire

Analyse linéaire, étude linéaire À une passante, Les Fleurs du mal, Baudelaire, 1857. 

Introduction :

Baudelaire, poète de la modernité, publie son grand recueil Les Fleurs du mal en 1857. Il expérimente en passant du romantisme, au mouvement parnassien, puis en insufflant le symbolisme. De même, il remet au goût du jour la forme oubliée du sonnet, et popularise le poème en prose (Spleen de Paris, 1869). Il mène une vie de tourments et de difficultés dont l’angoisse se retrouve dans son concept central du Spleen (humeur dépressive). (accroche avec informations sur l’auteur).

Le poème « A une passante » fut publié dans la seconde édition des Fleurs du mal en 1861. La première publication était dans la revue « L’Artiste » en 1855. Ce sonnet traditionnel dans la forme, prosaïque dans le fond, décrivant un sujet du quotidien appelle à une réflexion sur la vision baudelairienne de la femme. Tout simplement, il boit un verre à la terrasse d’un café et observe une jolie femme passer. Cet événement pour les hommes est universel. Il le transforme en un bouillonnement de sensations et d’émotions. (Présentation générale du texte).

Comment à travers ce sonnet Baudelaire nous livre-t-il son idéal féminin? (Problématique)

Le poème peut se décomposer en trois mouvements. Tout d’abord, les cinq premiers vers présentent la situation et décrivent de manière élogieuse la femme qui passe. Ensuite, les six vers suivants expriment les sensations et émotions du poète. Enfin, le dernier tercet traduit le tragique et l’urgence de son état d’âme. (Annonce de plan, annonce de s mouvements)

Premier mouvement:  La description de la passante. (Vers 1 à 5, de « La rue assourdissante » à « jambe de statue »).

  • Le premier vers pose la situation, le décor: « La rue ». Il indique aussi clairement que nous sommes dans un poème lyrique : « autour de moi ». 
  • on ressent encore une impression de désordre et de violence à cause du bruit: « La rue assourdissante autour de moi hurlait. » Il insiste en reprenant l’idée par l’adjectif assourdissante, comme s’il ne pouvait même s’entendre penser, et la personnification de la rue avec le verbe « hurlait ». 
  • L’expression « autour de moi » le met comme étranger par rapport à l’environnement. Il apparaît seul, solitaire. 
  • Le premier vers constitue une phrase avec un point à la fin. Dès le second, nous passons au sujet central, la passante. 
  • Le second vers se concentre par une accumulation sur la description de la femme. Tout d’abord physique : « Longue, mince ». Ensuite, morale: « en grand deuil, douleur majestueuse ». 
  • Baudelaire provoque l’imagination du lecteur qui se dessine une femme belle, élancée, digne, habillée de noir, portant avec élégance sa tristesse. 
  • Le troisième vers débute par « Une femme », le rejet du mot en début de vers sert à replacer l’attention sur elle. Ici, le titre s’explique: « Une femme passa »- « A une passante ». Le passé simple évoque la rapidité du mouvement.
  • La description continue: « d’une main fastueuse ». Nous comprenons que le regard du poète se fait plus précis, de la silhouette, de l’attitude, il dérive sur sa main. Il remarque certainement qu’elle porte des bijoux, des bagues de prix « fastueuse ». Cette femme appartient à un milieu social élevé. 
  • Le mouvement se poursuit « Soulevant, balançant le feston et l’ourlet; ». Elle relève le bas de sa robe pour éviter qu’elle ne traîne par terre, dans la saleté du sol du Paris de l’époque.
  • L’allitération en « s » mime le bruit de la robe: « assourdissante », « mince », « majestueuse », « passa », « fastueuse », feston ».
  • Le premier vers du second quatrain, le vers 5 finit la description: « Agile, noble, avec sa jambe de statue ». 
  • La comparaison avec la statue, ainsi que les deux adjectifs mélioratifs expriment un éloge de sa beauté par Baudelaire. Elle ressemble à une œuvre d’art. Cependant, la statue traduit aussi une certaine forme de froideur, de distance…

Deuxième mouvement: l’explosion des sensations et des émotions. (Vers 6 à 11, de « Moi, je buvais » à « dans l’éternité? »)

  • Les vers suivants sont centrés sur Baudelaire: « Moi ». On saisit sa situation physique : « je buvais ». Il est assis à la terrasse d’un café. 
  • Le « Moi », et la comparaison « crispé comme un extravagant » soulignent la différence, presque l’opposition entre elle, sa classe naturelle, en mouvement, et lui immobile, mal. 
  • Suit un regard pénétrant du poète vers ses yeux : « Dans son œil ». On les devine bleus : « ciel livide ». L’adjectif « livide » une nouvelle fois peut renvoyer à sa froideur, ou à son deuil. 
  • Derrière l’apparence contenue et maîtrisée, la femme paraît être un volcan d’émotions avec la métaphore « où germe l’ouragan ». 
  • Le poète l’imagine pleine de passions. 
  • Le dernier vers du quatrain est construit sur un parallélisme et une antithése : « La douceur qui fascine et le plaisir qui tue ». 
  • Il exprime d’ailleurs la vision baudelairienne de la femme, à la fois son idéal (« la douceur »), mais aussi ses peurs (« le plaisir qui tue »). Enfin, il expose cette femme comme dangereuse. 
  • Le premier tercet, la troisième strophe, débute par un bouleversement « un éclair… ». Le mot est évocateur. C’est une catachrèse qui au-delà de la météo doit se comprendre comme la foudre, le coup de foudre. Il a cru toucher son âme à travers son regard…
  • Seulement, « puis la nuit! ». Ce revirement en quelques mots rappelle la réalité de la situation. Elle est prosaïque et banale. Une femme passe, un homme (ici Baudelaire) à la terrasse d’un café la regarde. Elle est déjà partie. Ce que souligne l’adjectif suivant « Fugitive ». 
  • Le tiret indique une prise de parole du poète. Il lui parle directement, en tout cas il en donne l’impression, puisqu’elle ne l’entend pas. 
  • Encore un éloge de sa beauté « Fugitive beauté ». Encore l’immédiateté « soudainement » (v.10). Tout est rapide dans ce sonnet. 
  • « le regard » renvoie à la précédente strophe, il évoque l’espoir. Pendant un instant, il pensait ne plus être seul dans cette « rue assourdissante »: « renaître ». 
  • La question du vers 11 est réthorique: « Ne te verrai-je plus que dans l’éternité? ». Il sait qu’il ne la verra plus, sauf hasard miraculeux. Le terme « éternité » semble hyperbolique par rapport à la situation prosaïque décrite. Pathétique et tragique, la question rend compte de la sensibilité de Baudelaire. 
  • Ce deuxième mouvement complète le précédent. L’éloge de la femme incite le poète à l’émotion. 

Troisième mouvement: la chute, le désespoir. (Vers 12 à 14, de « Ailleurs » à « qui le savais! »)

  • Une première remarque s’impose concernant la chute du sonnet: quatre points d’exclamation s’enchaînent, dont trois dans le premier vers!
  • Le vers 12 avec ses trois points d’exclamation témoigne de l’urgence de la situation: « Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être! ». 
  • Il alterne entre les considérations d’espace « Ailleurs, bien loin d’ici! » et de temps « trop tard!  jamais peut-être !». L’adverbe « jamais » accentue la tonalité tragique. Leur amour est impossible… A vrai dire, il n’a jamais commencé. 
  • Il ne la connaît pas, il ne connaît même pas son nom. C’est juste son imagination qui travaille, son inspiration de poète. 
  • Le vers suivant avec son parallélisme construit une fausse proximité. Il la tutoie alors qu’il ne la connaît pas: « Car j’ignore où tu fuis, tu ne  sais où je vais, ». Elle ne fuit pas, elle passe, elle est « une passante ». Il ne va nulle part, il est attablé à la terrasse d’un café. La rencontre n’a pas eu lieu, il la crée. 
  • le coup de foudre n’est pas partagé. Il est seul à être déterminé. La passante est déjà partie. 
  • Le parallélisme du dernier vers, de la chute indique bien avec le subjonctif qu’il est dans l’hypothèse: « que j’eusse aimé ». Même lui n’a pas de certitude. 
  • Il finit son poème telle une épitaphe décisive : « Ô toi que j’eusse aimé, ô toi que le savais! ». Le tragique du point d’exclamation et de la formulation à l’imparfait fait peser un air de tragédie, de regret. Or, cette femme passait, ne l’avait même pas remarqué. La solitude de l’être qui veut être aimé explose dans cette dernière ligne. 
  • Le désespoir de la solitude de Baudelaire se lit à travers ses élucubrations, ses constructions mentales. D’un instant prosaïque, somme toute banal, il construit une relation qui n’a jamais commencé. 

Conclusion: 

Ce sonnet de Baudelaire traite d’un sujet prosaïque de manière poétique. Le lyrisme des vers, l’éloge de la femme, la solitude criante du poète nous font ressentir sa détresse. La description d’une beauté parfaite et froide remémore la vision baudelairienne de la femme. L’urgence du moment en mouvement, la symbolique de la rapidité exaltent  sa sensibilité à fleur de peau. Le dernier tercet tout en exclamation rythme son désespoir, sa tragique condition d’exclu de l’amour. (Reprise des conclusions partielles, des conclusions des mouvements).

D’un thème parfaitement quotidien et banal, Baudelaire crée une situation extraordinaire, comme si l’amour venait de le frapper. Il idéalise une femme qui passe, pour raconter ses attentes, pour décrire la femme qu’il aime. A travers ce petit sonnet prosaïque, nous appréhendons sa vision de la femme: belle et froide, proche et inaccessible. (Réponse à la problématique)

Dans d’autres poèmes, il peint aussi une femme ambivalente, parfois tendre, parfois maternelle, souvent lointaine, d’autant plus qu’elle est belle et sensuelle. Jeanne Duval fut à de nombreuses reprises une muse qu’il décrivait dans Le Serpent qui danse comme une ensorceleuse intraitable. (Ouverture).

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4 commentaires sur “Analyse linéaire, étude linéaire, À une passante, Fleurs du Mal, Baudelaire, 1857, bac.”

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  2. Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
    Louise Labé
    Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
    J’ai chaud extrême en endurant froidure :
    La vie m’est et trop molle et trop dure.
    J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

    Tout à un coup je ris et je larmoie,
    Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
    Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
    Tout en un coup je sèche et je verdoie.

    Ainsi Amour inconstamment me mène ;
    Et, quand je pense avoir plus de douleur,
    Sans y penser je me trouve hors de peine.

    Puis, quand je crois ma joie être certaine,
    Et être au haut de mon désiré heur,
    Il me remet en mon premier malheur.

    Louise Labé, Sonnets
    Voici le plus beau poème d’amour que je connaisse, qui nous vient du Moyen-âge. j’admire le culot de cette femme.

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