Un mot, un poème: le travail des enfants, « Melancholia », Victor Hugo.

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Un mot, un poème: « Melancholia », Victor Hugo.

Peu de poèmes ont aussi bien décrit que la cinquième strophe de « Melancholia » d’Hugo, extrait du recueil Les Contemplations (1856), la réalité terrible et les conséquences funestes du travail des enfants.

Melancholia.

.. Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : – Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,
Et qui ferait – c’est là son fruit le plus certain ! –
D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil !
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? que veut-il ?
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l’homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l’on s’abâtardit,
Maudit comme l’opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu’il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l’homme heureux !

cinquième strophe du poème « Melancholia », Les Contemplations, Victor Hugo, 1856.

La strophe débute par trois questions rhétoriques auxquelles le poète apporte ensuite une réponse. Ces questions introduisent le thème et la thèse de la strophe: le travail des enfants et son injustice, même sa calamité. Le travail rend les enfants tristes, malades et isolés. Ces interrogations servent à interpeller le lecteur, le faire réfléchir.

Les vers suivants décrivent la situation effroyable des enfants qui travaillent. Hugo appuie sur la durée intolérable des journées « quinze heures », « de l’aube au soir », « éternellement ». Ce quasi-esclavage est d’ailleurs comparé à un enfermement, « une prison ». Le travail n’est donc pas une libération pour les enfants, mais un emprisonnement, qui les empêche de se développer.

A partir du vers 7, le grand romantique oppose la faible constitution des enfants avec l’apparence monstrueuse des machines: « meule », « dent d’une machine sombre », « Monstre hideux qui mâche », « airain », « fer »… Ce champ lexical des machines exprime la brutalité. Les monstres ou ogres des contes sont remplacés ici par les machines immenses et féroces qui broient les enfants. L’univers dépeint est celui d’hommes durs et non d’enfants en formation.

La suite du texte insiste sur l’incompréhension des enfants par rapport à leur sort, et l’incompréhension de l’auteur la rapport à leur condition. Il en appelle à Dieu, comme une prière pour espère un espoir de changement. Les points d’exclamation marquent la force d’indignation de l’écrivain. Il dérive ensuite sur une question sociale, celle du progrès, de sa nature et de son coût humain. Ce progrès tant mis en avant doit-il se faire par l’asservissement des enfants? Ce progrès obtenu par tant de souffrances constitue-t-il un réel progrès ? La question de sociale en devient politique.

Hugo, de nouveau, emploie de nombreux points d’exclamation et en appelle aux mères pour dénoncer le calvaire des petits travaillant. Il intitule son poème « Meclancholia », la mélancolie étant un état de tristesse due d’après les anciens à une bile noire, à un dysfonctionnement de la rate, à un état maladif, ou sinon à un état psychologique menant au désespoir. À savoir….

Les enfants d’Occident au XIX ème siècle travaillaient dans les mines, les industries textiles ou métallurgiques. Ils vivaient peu, ils vivaient mal. Leur avenir était obstrué par les fumées grises. Ce qu’Hugo décrit avec sa verve romantique, c’est que Marx et Engels ont observé en Angleterre. Le travail des enfants fait des adultes ignares, malades et violents. La place des enfants est dans l’amour, le jeu, et l’apprentissage.

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