Un mot, un poème: Le pastiche, Fable ou histoire, Victor Hugo, Les Châtiments, 1853.

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Un mot, un poème: Le pastiche, Fable ou histoire, Les Châtiments, Victor Hugo, 1853.

Le poème « Fable ou histoire » ne définit pas ce qu’est un pastiche, mais en offre une illustration parfaite, un exemple parlant. Un pastiche imite, reprend, copie une œuvre, une manière, une école. Il rend hommage à un maître, un artiste, ou au contraire le moque avec ironie. Le pastiche se retrouve dans tous les arts.

Le poème « Fable ou histoire » s’attaque à Napoleon III, comme tout le recueil Les Châtiments. Écrit une année après son coup d’État du 02 Décembre 1851, le poème dénonce la brutalité, la violence, la cruauté de l’Empereur. Seulement, Hugo tient dans ce texte une verve pamphlétaire, sarcastique. Il fait de Napoléon III un tigre de pacotille, un tigre déguisé, dont l’essence est celle d’un singe, sournois et faible, et non celle du tigre prédateur imposant qui impose le respect.

La structure du texte ,avec une morale implicite à la fin, respecte celle de l’apologue de la fable (comme l’indique le titre). Il lorgne évidemment du côté de La Fontaine avec la personnification animale. Hugo use du même procédé que son illustre aîné pour dénoncer les vices des puissants. Le règne animal s’applique au monde des humains, et permet d’imager le propos en le rendant plus vivant, moins théorique. À n’en pas douter, ce pastiche constitue un clin d’oeil plein de respect au fabuliste du Grand Siècle.
Une fable, des animaux, la critique du pouvoir, si la fable ne définit pas dans ses vers le pastiche, elle le définit par l’exemple.

Fable ou histoire.

Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d’une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant ; lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d’être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : Je suis
Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits !
Il s’embusqua, brigand des bois, dans les épines
Il entassa l’horreur, le meurtre, les rapines,
Egorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu’avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s’écriait, poussant d’affreux rugissements :
Regardez, ma caverne est pleine d’ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
Les bêtes l’admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : Tu n’es qu’un singe !

Les Châtiments, Hugo, 1853.

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