Un mot, un poème, le mal du pays: « Heureux qui comme Ulysse… »Du Bellay, 1558.

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Un mot, un poème: le mal du pays illustré par  « Heureux qui comme Ulysse… ».

Le fameux sonnet du poète humaniste Joachim Du Bellay illustre parfaitement le mal du pays, cette souffrance morale qui consiste à penser à sa terre natale, et à la regretter, quand on est à l’étranger.

« Heureux qui comme Ulysse… »

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Sonnet XXXL, Les Regrets, 1558.
Ami de Ronsard, faisant partie du cercle de La Pléiade, Joachim du Bellay suis un cousin de son père, devenu cardinal, à Rome ,entre 1553 et 1557, comme intendant. Très vite, il est déçu par la vie romaine, ses intrigues et son hypocrisie. Il regrette sa Touraine natale et la France, qu’il ne cesse de mettre en avant, comme ses autres collègues de la Pléiade d’ailleurs.

Ici, dans ce poème très connu, il compare désavantageusement Rome l’éternelle à sa campagne natale, en exposant des raisons, des éléments qui peuvent définir le mal du pays.

Tout d’abord, il explique dans la première strophe qu’une fois un voyage accompli, on a hâte de retourner chez soi. Et pour appuyer son propos, il convoque Ulysse et Jason, deux figures mythologiques, qui ,après bien des aventures, sont heureux de retrouver leur foyer, et leur famille. Déjà, le long voyage est un déracinement familial, une rupture physique avec nos parents : « Vivre entre ses parents le reste de son âge! »(v.4)

Ensuite, le poète évoque avec nostalgie les paysages de sa région. Le déracinement est aussi celui de la terre. On se sent étranger ailleurs que chez soi: « Quand reverrai-je ,hélas, de mon petit village »(v.5) Il rappelle aussi, qu’en-dehors des proches, on laisse encore des biens ,auxquels on est attaché, derrière soi: « Reverrai-je le clos de ma pauvre maison »(v.7)

Les deux dernières strophes effectuent une série de comparaison entre Rome et la campagne angevine, d’où il est originaire. Et malgré la puissance et la beauté de Rome, il ne cesse de préférer les éléments familiers de sa terre natale: sa maison aux palais romains, l’ardoise typique de cette région au marbre luxueux, la Loire au Tibre légendaire…. Enfin, le rappel des sensations agréables en Anjou s’impose à lui dans le dernier vers: « Et plus que l’air marin, la douceur angevine. »(v.14)

Du Bellay a évidemment intitulé son recueil Les Regrets, car il regrettait finalement d’être venu à Rome. Le mal du pays est défini ici comme un manque, une nostalgie très présente de sa famille, des biens laissés derrière soi, des paysages, de l’air même différent. Ce poème apparaît intemporel, malgré ses références antiques, et pourrait très bien aujourd’hui porter le mal du pays d’un migrant, déraciné, qui se souviendrait parfois de sa lointaine terre natale.

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