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Un mot, un poème: courtisan, sonnet 150 Du Bellay « Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon œil », Les Regrets, 1558.
On s’attendrait classiquement à trouver un poème, une fable de La Fontaine pour décrire les courtisans. Cependant, je n’ai pas trouvé mieux que ce sonnet de Du Bellay comme définition en poésie de ceux qui n’ont comme position que de suivre un haut personnage et de lui paraître agréable.
Du Bellay, dégouté par son séjour à Rome lors duquel il suivait son oncle, composa un recueil de sonnets, Les Regrets paru en 1558. Cet humaniste pensait trouver dans la cité éternelle les merveilles de l’Antiquité, le souffle de l’art, la passion de la beauté et de la vérité. Or, il déchante en comprenant que tout est hypocrisie. Il en vient à regretter son départ de sa région angevine natale.
La vision des machinations à Rome, de l’hypocrisie des hommes de pouvoir et de ceux qui les suivent lui inspire horreur et dégoût. Dans cette réflexion, il en vient à penser à tous les courtisans de toutes les cours, et à les détester. Le sonnet ci-dessous le montre.
Avec une verve plus argumentative et didactique que poétique, il explique, il définit le courtisan. Pour lui, il ne possède que deux caractéristiques essentielles: l’obsession de copier son maître, et celle de lui complaire. En découle une perte de personnalité totale, et une hypocrisie complète. C’est finalement la définition d’un être sans liberté. Voici le sonnet:
Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon œil. (sonnet 150)
Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
Sinon en leur marcher les princes contrefaire,
Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S’il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu’un devant eux reçoit un bon visage,
Ils le vont caresser, bien qu’ils crèvent de rage
S’il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C’est quand devant le roi, d’un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
Joachim Du Bellay, Les Regrets, 1558.
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