Prologue: le combat.

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Prologue: le combat.

il n’en restait qu’un.

Il ne se souvenait plus depuis combien de temps il était allongé sur l’herbe calcinée de la plaine. Les yeux regardant le ciel et le ballet des vautours, il laissait son regard errer sur la fuite des nuages. Des jours, des nuits étaient passés sans qu’il n’ait bougé. Son esprit, son corps étaient vidés. Même les sensations l’avaient quitté. A peine se rappelait-il la bataille sauvage et sanglante. Pourtant autour de lui, les milliers de cadavres mutilés dressaient le tableau atroce du combat féroce qui s’était déroulé.

Il avait juste défait son heaume. Il paraissait s’enfoncer dans la terre entièrement revêtu de son armure rougie par la bataille, encroûtée par toutes les entailles. Un mort de plus dans cet océan, et pourtant il restait le seul vivant. On ne l’aurait jamais distingué s’il n’avait tenu avec fermeté contre son torse une orbe scintillante d’où jaillissaient mille reflets de couleurs différentes. De la taille de son poing droit, entre l’espace de ses doigts, les rais de lumière montaient vers le ciel. Ils attrapaient les nuages et jetaient un halo mystérieux autour du dernier combattant. 

Il tourna la tête sur sa gauche au prix d’un effort surhumain, et vit un autre chevalier en armure dorée gisant à ses côtés. Une image d’un autre temps survint. Il comprit que c’était le dernier adversaire qu’il avait tué. Il n’avait plus son épée en main, car elle était enfoncée dans l’abdomen de son voisin. Il avait été coriace, un redoutable opposant. C’était logique, il était l’avant-dernier vivant parmi ce champ de bataille. Mais, il ne pouvait en rester qu’un. Mais l’orbe ne se partageait pas. Encore plus précieuse que la plus aimable des femmes, elle ne se mariait qu’à un homme, celui qui survivait pour la garder mieux qu’aucun autre, pour la conserver envers et contre tous. 

Il ne se souvenait plus depuis combien de temps la bataille avait pris fin. Il sentait que les lunes avaient défilé. Il n’aurait su dire combien. Il émergeait d’une torpeur séculaire, millénaire. Était-il seulement encore dans le monde réel ? La chaleur de l’orbe lui rappelait ses sens. Sa main, convulsivement serrait l’objet. Comme un homme qui se raccrochait à un instant de réalité, comme un naufragé qui essayait de trouver une bulle d’air dans l’eau salée. Il tenta de se relever, le buste un peu décollé de la terre meuble, la main toujours enserrée autour de la pierre diaphane et lumineuse polie. Les vertèbres ou les articulations de son armures émirent un bruit de craquement. L’effort était insurmontable, le silence annihilant, la vue ne dépassait pas ses pieds. La tâche insurmontable de soulever son corps et trente kilos d’armure le fit renoncer. Il s’étala une nouvelle fois. Le dormeur d’un val maudit, d’un val d’enfer, d’un vol de vautours, de corbeaux, de morts essayait de ressusciter. Il abandonnait.

Le dernier murmure des ombres repoussées, des vents de la faucheuse susurraient déjà dans ses oreilles fatiguées. Maintenant, c’était terminé, il ne verrait plus de printemps, de bourgeons de fleurs, de femmes riantes et vêtues de pétales, plus de batailles menant à des triomphes. Il avait tellement soif que son esprit s’asséchait, et son cœur se mourrait. 

Puis un son léger, régulier, envoûtant envahit ses os. Un chant rassurant, chaleureux, celui de la maison, du foyer toujours rêvé, du feu de cheminée idéalisé, embrassa son âme, incanta des charmes surannés. Cette douce musique l’éveilla à un état de conscience inconnue. Ses sens s’accroissaient de minutes en minutes, son esprit gagnait une lucidité qu’il n’avait jamais connue. 

La sorcellerie défiante fit son effet. Il regagna ses forces. Il se releva. Il vit le monde comme un havre à conquérir. Il vit la manipulation. Il vit la violence et le pouvoir. Il sentit la soif et l’avoir. Il se mit en marche vers l’holocauste. Gagner, prendre, soudoyer, baiser, torturer, tuer, rien ne pourrait l’arrêter. Au cœur de ses membres, une pierre polie le guidait. Tel un pantin articulé, il courait. Le prêt-à-penser, à ressentir lui allait. Le retenir, contrer ses obsessions le contrariait. Rien, ni personne ne s’opposerait à sa volonté de puissance. Lui seul savait. Lui seul, et la pierre entre ses mains. Qui était le plus malin?

(à suivre…)

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