Plaisir de lire Verlaine/aborder Verlaine: « Il pleure dans mon cœur… ».

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Plaisir de lire Verlaine: « Il pleure dans mon cœur.. », Romance sans paroles, Verlaine, 1874.

 

Il pleut doucement sur la ville
(Arthur Rimbaud)

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s’écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !

Paul Verlaine
Romances sans paroles (1874)

Ce poème de Verlaine, simple et musical, rend compte de l’écriture du poète maudit.

Le vers en paratexte, avant le poème lui-même, semble être attribué à Rimbaud.Seulement, on n’a pas retrouvé trace de ce vers dans son œuvre. Ces quelques mots doivent certainement posséder la valeur d’une dédicace à son ancien amant, avec qui il partagea deux années de bohème entre la France, la Belgique et l’Angleterre entre 1871 et 1873. En Juillet 1873, Verlaine tire sur Rimbaud, le blesse au poignet. Ainsi se finit leur relation. Pendant ce temps, Verlaine avait écrit le recueil Romance sans parole.

Si le poème ne se décline pas en vers impairs, comme Verlaine les affectionnait parfois ( cf « Art poétique », Jadis et Naguère, 1884, « Et pour cela préfère l’Impair »v.2), il garde la musicalité typique de l’auteur (« De la musique avant toute chose », v.1 « Art poétique »). La musicalité s’écoute grâce aux allitérations en « l » (Il, pleure, pluie…), en « c » (cœur, Comme, Quelle…) qui donnent l’impression d’être sous la pluie. Les assonances en « eu »(pleure, cœur, langueur…) allongent le temps.

On remarque et entend encore une grande fluidité avec des vers courts, des hexasyllabes au rythme binaire: « Il pleure/dans mon cœur »(v.1) Ce balancement se poursuit tout le poème, et produit un effet de monotonie, renforcée par une structure de rime semblable à chaque strophe (a,b,a, a). Cette monotonie confine à la mélancolie avec la répétition de « pleure »(v.1,9) ou de « peine »(13,16), et par la présence de la pluie et des assonances qui étirent ce moment.

Ici, nous sommes véritablement dans un cas typique pour Verlaine. Le poème est lyrique (« mon »), rend compte de son état d’âme à travers un paysage. Cette notion de paysage état d’âme est centrale dans l’oeuvre de Verlaine, comme la musicalité. On la retrouve dans « Clair de lune »(Fêtes galantes, 1869), « Soleils couchants », « Après trois ans », où le fameux « Chanson d’automne »(Poèmes saturniens, 1866), et bien d’autres.

Cette complainte, telle une rengaine, aux sonorités longues et répétitives caractérise le poète. Et évidemment, dans sa simplicité de mots, de versification, et de sens, ce poème est un petit bijou.

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