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Le Mariage de Figaro, Acte 3(III), scène 16, Beaumarchais, 1784.
FIGARO. Enfant perdu, docteur, ou plutôt enfant volé.
LE COMTE revient. Volé, perdu, la preuve ? Il crierait qu’on lui fait injure !
FIGARO. Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d’or trouvés sur moi par les brigands n’indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu’on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j’étais un fils précieux : et cet hiéroglyphe à mon bras…
Il veut se dépouiller le bras droit.
MARCELINE, se levant vivement. Une spatule à ton bras droit ?
FIGARO. D’où savez-vous que je dois l’avoir ?
MARCELINE. Dieux ! C’est lui !
FIGARO. Oui, C’est moi.
BARTHOLO, à Marceline. Et qui ? lui !
MARCELINE, vivement. C’est Emmanuel.
BARTHOLO, à Figaro. Tu fus enlevé par des bohémiens ?
FIGARO, exalté. Tout près d’un Château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d’or n’arrêteront pas mes illustres parents.
BARTHOLO, montrant Marceline. Voilà ta mère.
FIGARO. … Nourrice ?
BARTHOLO. Ta propre mère.
LE COMTE. Sa mère !
FIGARO. Expliquez-vous.
MARCELINE, montrant Bartholo. Voilà ton père.
FIGARO, désolé. Oooh ! aïe de moi !
MARCELINE. Est-ce que la nature ne te l’a pas dit mille fois ?
FIGARO. Jamais.
LE COMTE, à part. Sa mère !
BRID’OISON. C’est Clair, i-il ne l’épousera pas.
BARTHOLO. Ni moi non plus.
MARCELINE. Ni vous ! Et votre fils ? Vous m’aviez juré…
BARTHOLO. J’étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d’épouser tout le monde.
BRID’OISON. E-et si l’on y regardait de si près, per-ersonne n’épouserait personne.
BARTHOLO. Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable.
MARCELINE, s’échauffant par degrés. Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! Je n’entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ?
Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
FIGARO. Les plus coupables sont les moins généreux ; c’est la règle.
MARCELINE, vivement. Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes !
C’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l’autre sexe.
FIGARO, en colère. Ils font broder jusqu’aux soldats !
MARCELINE, exaltée. Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoires ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
FIGARO. Elle a raison !
LE COMTE, à part. Que trop raison !
BRID’OISON. Elle a, mon-on Dieu, raison !
MARCELINE. Mais que nous font, mon fils, les refus d’un homme injuste ? Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas : Cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que d’elle-même ; elle t’acceptera, j’en réponds. vis entre une épouse, une mère tendre qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde ; il ne manquera rien à ta mère.
Exemple d’un plan de commentaire avec introduction et conclusion de la scène 16, acte 3 (III) du Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1784.
(Ceci est un exemple, et n’est évidemment pas un modèle. Votre réflexion personnelle peut mener à d’autres pistes de lecture).
Introduction :
Pièce qui connut un grand succès durant l’Ancien Régime, une fois la période de censure dépassée (écrite en 1778, jouée à partir de 1784), le Mariage de Figaro constitue le second volet d’une trilogie sur la famille Almaviva, qui débute avec le Barbier de Séville (1775) et se termine avec la Mère coupable (1792). Le théâtre de Beaumarchais est à son image, plein de rebondissements, pour un homme qui fut marié trois fois, inventeur, musicien, voyageur, financier, agent secret et trafiquant d’armes. Si son expression est la plupart du temps comique, ses préoccupations sont celles de son temps, du temps des Lumières et de la remise en cause des traditions de l’Ancien régime.(accroche avec informations sur l’auteur et son œuvre)
Le Mariage de Figaro nous conte de manière comique les ruses employées par Figaro afin d’épouser son amoureuse Suzanne, sans que le comte Almaviva ne puisse s’y opposer ou exercer sur Suzanne son droit de cuissage. Les rebondissements sont multiples, et la victoire du valet sur le maître constitue le dénouement, après « une folle journée »(sous-titre de l’oeuvre). Le passage de la scène 16 de l’Acte III présenté ici nous montre la fin de la procédure judiciaire intentée contre Figaro pour qu’il se marie avec Marceline, comme le souhaite le comte. (présentation de l’oeuvre et du passage)
En quoi cette scène participe-t-elle à la dénonciation de la société de l’Ancien Régime, et à la promotion des valeurs de Lumières ? (problématique)
Tout d’abord, nous analyserons la dynamique théâtrale de la scène, son énergie, puis nous détaillerons les idées défendues par Beaumarchais, notamment à travers l’étude de l’argumentation de Marceline. (annonce du plan)
(introduction avec quatre parties : l’accroche, la présentation de l’oeuvre et du texte, la problématique et l’annonce de plan)
I- Une scène trépidante.
( phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)
a) une scène vivante.
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multitude de personnages:Figaro, le Comte, Marceline, Bartholo, Brid’oison (cinq personnages). Tous s’expriment, avec une plus grande présence de Marceline, personnage central de la scène.
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Stichomythie donnant un rythme rapide à la scène : « Dieux!C’est lui ! » « Oui, C’est moi » (par exemple), puis allongement des répliques avec Marceline.
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Une scène expressive : de nombreux points d’exclamation (« injure ! », « lui ! »…) et d’interrogations (« la preuve ? », « bras droit ? »…). De plus didascalies expressives : « vivement », « exalté », « désolé », « s’échauffant par degrés », « vivement ».
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tonalité polémique « en colère », qui se voit encore dans le discours de Marceline.
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b) Le registre comique.
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Divers procédés comiques utilisés : le quiproquo « Dieux!C’est lui ! », « Oui, c’est moi », Mareceline et Figaro n’évoquent évidemment pas la même chose.
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Comique de répétition : « Elle a raison ! », « Que trop raison ! », « Elle a, mon-on Dieu, raison ! ».
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Comique de mots : bégaiement de Brid’oison, transformation du hiéroglyphe en spatule, d’un signe mystérieux en forme commune.
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Comique de situation : marqué par l’incrédulité de Figaro « …Nourrice? », ou langage familier « Oooh!aïe de moi ! »
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répliques absurdes : « per-ersonne n’épouserait personne », et « Les plus coupables sont les moins généreux ; c’est la règle », présent de vérité général, renforcé par le mot règle, qui pourtant n’est pas du tout vérifiable.
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c) Le coup de théâtre.
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procédé habituel de la farce. Scène charnière qui opère un nouveau revirement dans la pièce.
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De la première réplique jusqu’à « mes illustres parents », tentative de Figaro d’échapper au mariage avec Marceline en s’inventant une ascendance noble « ma haute naissance », « noble famille », « illustres parents ». Mariage paraît pourtant inéluctable « Volé, perdu, la preuve ? Il crierait qu’on lui fait injure ! », appuyé par les autorités (donc le comte et Brid’oison).
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Seulement, double renversements de situation : de « voilà ta mère » à « jamais », découverte du secret de la naissance de Figaro, qui infirme la fiction qu’il défendait sur la noblesse de sa famille. Puis, de « Sa mère ! » à « n’épouserait personne » impossibilité nouvelle et soudaine du mariage entre un fils et sa mère.
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Enfin, changement de thème dans la scène avec une dénonciation de la condition de la femme par Marceline. L’action, ainsi que le thème de la scène se trouvent bouleversés en quelques répliques : changement des relations entre les personnages, effacement du mariage, pour une mise en avant d’une argumentation défendant les femmes et attaquant les hommes.
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(phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction)
II- Une dénonciation de l’injustice et de l’inégalité.
(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)
a) Une parodie de justice.
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le tribunal est ridiculisé. Déjà par le bégaiement de Brid’oison, du juge, qui de plus paraît en retrait, absent des débats.
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Un manque de solennité marqué pour une procédure judiciaire. Le tribunal sérieux se transforme en scène de ménage avec des retrouvailles familiales, un avocat qui se retourne contre la personne qu’il défend « Des fautes si connues!une jeunesse déplorable. », et des histoires insensées au lieu de témoignages précis « les langes à dentelles, tapis brodés, et joyaux d’or », « Tu fus enlevé par des bohémiens ? »
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champ lexical de la justice dans les dernières répliques de Marceline : « fautes », « nous juge », « coupables », « victimes », « punir », « vos magistrats », « droit », qui lui sert à dénoncer l’injustice dont elle est victime: « Tel nous juge ici sévèrement », « si vains du droit de nous juger ».
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b) Une dénonciation de la condition de la femme à cette époque.
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une argumentation efficace, avec des connecteurs logiques « mais », « Mais », des procédés rhétoriques comme le blâme de l’homme : « séducteurs », « tant d’ennemis rassemblés » « Hommes plus qu’ingrats », « un homme injuste » et l’éloge des femmes : « vis entre une épouse, une mère tendre qui te chériront à qui mieux mieux ».
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chacune des quatre dernières répliques de Marceline constitue une étape dans la progression de son argumentation : tout d’abord elle accepte sa culpabilité mais non la sévérité du jugement « Je n’entend pas nier mes fautes », « Tel nous juge ici sévèrement », la deuxième réplique renverse la faute sur les hommes « C’est vous qu’il faut punir », la troisième décrit la condition des femmes et la quatrième nous offre un autre visage de la femme, celui de la mère.
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La condition inférieure des femmes : pas de pouvoirs pour les femmes « vous et vos magistrats », « Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? », dénonciation d’une société entièrement masculine. Une femme soumise à son mari : « servitude réelle : traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes », et ceci sans distinction sociale « Dans les rangs même plus élevés ».
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Efficacité de l’argumentation mêlant persuasion (ponctuation expressive), et conviction (description réelle de la condition des femmes) se voit enfin à l’approbation des hommes : « Elle a raison ! », « Que trop raison ! », « Elle a, mon-on Dieu, raison ! »
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c) Une réflexion des Lumières.
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par la dénonciation de la condition des femmes, et de la justice, Beaumarchais critique la société de son temps, son inégalité et son arbitraire.
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Une nouvelle fois remise en cause de l’aristocratie par l’obligation pour Figaro de s’inventer une ascendance noble afin de pourvoir échapper au mariage avec Marceline, et par l’orientation de la décision de justice favorable au Comte.
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Puis, évocation des droits naturels « Elles avaient un droit naturel ». Concept des Lumières, qui s’oppose aux droits judiciaire, des lois de l’Ancien Régime. Différentes approches des « droits naturels » selon les philosophes, mais accord sur le fait qu’ils constituent des droits humains universels supérieurs aux lois comme la liberté, et le droit au bonheur. Idées défendues dans l’argumentation de Marceline.
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Enfin, définition du bonheur individuel issue des Lumières : « heureux pour toi mon fils : gai, libre, et bon pour tout le monde ».
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(phrase de conclusion de la partie lors de la rédaction)
Conclusion :
Cet extrait de la scène 16 de l’Acte III du Mariage de Figaro nous propose des rebondissements spectaculaires. D’une écriture vive et rapide, il bouleverse les situations initiales : annulation de l’obligation pour Figaro de se marier avec Marceline, découverte pour Figaro de l’identité de ses parents, passage d’une scène comique à une argumentation polémique. Cependant, l’action se retire peu à peu devant la réflexion apportée par Marceline sur l’inégalité des sexes, et l’injustice subie par les femmes dans la société de l’Ancien Régime, quand elle prend la parole pour un vif blâme des hommes durant cette parodie de procès. (réponse à l’annonce de plan).
Beaumarchais met une nouvelle fois en avant dans la pièce ses préoccupations sociales. Si la critique de la noblesse se devine entre les lignes, il s’en prend ici à une autre puissance tyrannique, celle du sexe masculin. Il présente encore une pensée engagée, inscrite dans les Lumières par sa défense de la liberté, de l’égalité, du droit au bonheur(réponse à la problématique)
Cette scène est un écho de l’intrigue principale de la pièce. Elle rappelle la domination masculine, qui se double pour le Comte qui souhaite utiliser son droit de cuissage vis-à-vis de Suzanne d’une domination sociale du noble sur les roturiers. Le Mariage de Figaro est aussi donc une revanche des femmes, une affirmation de leurs désirs et de leur liberté. (ouverture)
(conclusion avec réponse à l’annonce de plan, réponse à la problématique et ouverture)
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Merci ça m’a beaucoup aidé. Je révise en ce moment pour mon oral blanc et comme je suis en 1ère littéraire j’ai beaucoup de textes alors pas facile de tout faire soi-même !
Excellent commentaire ! Les parties sont très bien trouvées, votre commentaire m’a beaucoup aidé pour analyser mon texte merci beaucoup