Le mariage de Figaro, Acte 2 (II), scène 13, 14, 15, commentaire, Analyse, Beaumarchais, 1784.

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Le mariage de Figaro, Acte 2 (II), scènes 13, 14, 15, Beaumarchais, 1784.

 

Scène 13

Le Comte, La Comtesse, Suzanne entre avec des hardes et pousse la porte du fond.

Le Comte

Ils en seront plus aisés à détruire. (Il parle au cabinet.) Sortez, Suzon, je vous l’ordonne ! (Suzanne s’arrête auprès de l’alcôve dans le fond.)

La Comtesse

Elle est presque nue, monsieur ; vient-on troubler ainsi des femmes dans leur retraite ? Elle essayait des hardes que je lui donne en la mariant ; elle s’est enfuie quand elle vous a entendu.

Le Comte

Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler. (Il se tourne vers la porte du cabinet.) Répondez-moi, Suzanne ; êtes-vous dans ce cabinet ? (Suzanne, restée au fond, se jette dans l’alcôve et s’y cache.)

La Comtessevivement, parlant au cabinet.

Suzon, je vous défends de répondre. (Au Comte.) On n’a jamais poussé si loin la tyrannie !

Le Comte s’avance au cabinet.

Oh ! bien, puisqu’elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.

La Comtesse se met au-devant.

Partout ailleurs je ne puis l’empêcher ; mais j’espère aussi que chez moi…

Le Comte

Et moi j’espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la clef serait, je le vois, inutile ; mais il est un moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte. Holâ ! quelqu’un !

La Comtesse

Attirer vos gens, et faire un scandale public d’un soupçon qui nous rendrait la fable du château ?

Le Comte

Fort bien, madame. En effet, j’y suffirai ; je vais à l’instant prendre chez moi ce qu’il faut… (Il marche pour sortir, et revient.) Mais, pour que tout reste au même état, voudrez-vous bien m’accompagner sans scandale et sans bruit, puisqu’il vous déplaît tant ? … Une chose aussi simple, apparemment, ne me sera pas refusée !

La Comtessetroublée.

Eh ! monsieur, qui songe à vous contrarier ?

Le Comte

Ah ! j’oubliais la porte qui va chez vos femmes ; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée. (Il va fermer la porte du fond et en ôte la clef.)

La Comtesseà part.

Ô ciel ! étourderie funeste !

Le Comterevenant à elle.

Maintenant que cette chambre est close, acceptez mon bras, je vous prie ; (il élève la voix) et quant à la Suzanne du cabinet, il faudra qu’elle ait la bonté de m’attendre ; et le moindre mal qui puisse lui arriver à mon retour…

La Comtesse

En vérité, monsieur, voilà bien la plus odieuse aventure… (Le Comte l’emmène et ferme la porte à la clef.)

 

Scène 14

Suzanne, Chérubin.

Suzanne sort de l’alcove, accourt au cabinet et parle à la serrure.

Ouvez, Chérubin, ouvez vite, c’est Suzanne ; ouvrez et sortez.

Chérubin sort.

Ah ! Suzon, quelle horrible scène !

Suzanne

Sortez, vous n’avez pas une minute.

Chérubineffrayé.

Eh, par où sortir ?

Suzanne

Je n’en sais rien, mais sortez.

Chérubin

S’il n’y a pas d’issue ?

Suzanne

Après la rencontre de tantôt, il vous écraserait, et nous serions perdues. Courez conter à Figaro…

Chérubin

La fenêtre du jardin n’est peut-être pas bien haute. (Il court y regarder.)

Suzanneavec effroi.

Un grand étage ! impossible ! Ah ! ma pauvre maîtresse ! Et mon mariage, ô ciel !

Chérubin revient.

Elle donne sur la melonnière ; quitte à gâter une couche ou deux.

Suzanne le retient et s’écrie.

Il va se tuer !

Chérubinexalté.

Dans un gouffre allumé, Suzon ! oui, je m’y jetterais plutôt que de lui nuire… Et ce baiser va me porter bonheur. (Il l’embrasse et court sauter par la fenêtre.)

 

Scène 15

Suzanne seule, un cri de frayeur.

Ah ! … (Elle tombe assise un moment. Elle va péniblement regarder à la fenêtre et revient.) Il est déjà bien loin. Oh ! le petit garnement ! aussi leste que joli ! si celui-là manque de femmes… Prenons sa place au plus tôt. (En entrant dans le cabinet.) Vous pouvez à présent, monsieur le Comte, rompre la cloison, si cela vous amuse ; au diantre qui répond un mot ! (Elle s’y enferme.)

Exemple d’un plan de commentaire avec introduction et conclusion des scènes 13, 14, 15 de l’acte 2 (II) du Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1784.

(ceci est évidemment un exemple, et non un modèle. Votre réflexion personnelle peut mener à d’autres pistes de lecture)

 

 

Introduction :

 

Pièce qui connut un grand succès durant l’Ancien Régime, une fois la période de censure dépassée (écrite en 1778, jouée à partir de 1784), le Mariage de Figaro constitue le second volet d’une trilogie sur la famille Almaviva, qui débute avec le Barbier de Séville (1775) et se termine avec la Mère coupable (1792). Le théâtre de Beaumarchais est à son image, plein de rebondissements, pour un homme qui fut marié trois fois, inventeur, musicien, voyageur, financier, agent secret et trafiquant d’armes. Si son expression est la plupart du temps comique, ses préoccupations sont celles de son temps, du temps des Lumières et de la remise en cause des traditions de l’Ancien régime.(accroche avec informations sur l’auteur et son œuvre)

Le Mariage de Figaro nous conte de manière comique les ruses employées par Figaro afin d’épouser son amoureuse Suzanne, sans que le comte Almaviva ne puisse s’y opposer ou exercer sur Suzanne son droit de cuissage. Les rebondissements sont multiples, et la victoire du valet sur le maître constitue le dénouement, après « une folle journée »(sous-titre de l’oeuvre). Le passage présenté ici comporte trois scènes du milieu du deuxième acte. Elles font partie du stratagème imaginé par Figaro pour rendre le comte jaloux. S’il n’est pas présent dans les scènes, Suzanne, Chérubin et la comtesse sauvent son plan, face à un comte énervé par des soupçons qui le rendent jaloux. (présentation de l’oeuvre et du passage)

Comment Beaumarchais arrive à travers un passage comique et vivant à porter une vision sociale de l’amour ? (problématique)

Tout d’abord, nous mettrons en avant le caractère rapide et comique et l’extrait, puis nous analyserons la vision donnée par l’auteur des relations amoureuses dans les différentes classes sociales. (annonce de plan)

 

 

I- Un passage vivant et comique.

(phrase d’introduction avec rappel du thème de la partie lors de la rédaction)

 

a) Rythme et action.

 

  • passage rapide découpé en trois scènes : 13,14,15. Rythme de plus en plus rapide avec des scènes de plus en plus petites, jusqu’à la dernière qui ne comprend qu’une seule réplique, celle de Suzanne.
  • Multitude de personnages présents : le Comte, la Comtesse, Suzanne, Chérubin. Mais de la même manière, réduction progressive du nombre de personnages à chaque scène : trois dans la 13 (avec une Suzanne silencieuse), deux dans la 14, et Suzanne seule dans la 15.
  • Passage avec beaucoup d’actions et de mouvements, montrés par les nombreuses didascalies : « entre avec des hardes et pousse la porte de force », « Suzanne s’arrête », « s’avance vers le cabinet »…(scène 13), « Il l’embrasse et court sauter par la fenêtre »(scène 14), ou encore « Elle s’y enferme »(scène 15).
  • Enfin, passage expressif avec de nombreux points d’exclamation : de multiples exemples dans le passage.

 

b) Une progression trépidante.

 

  • Chaque scène correspond à un moment clef de l’action.
  • La 13 : le comte sur le point de découvrir Chérubin. La 14 : l’évasion de Chérubin. La 15:le sauvetage du plan.
  • Chaque scène se découpe elle-même en deux parties.
  • La 13 : tentative du comte de forcer immédiatement la porte, puis éloignement du danger. La 14 : effroi devant l’impossibilité pour Chérubin de sortir, puis solution en sautant parc la fenêtre. La 15 : bref repos pour Suzanne, et sauvetage du plan.
  • Dans chaque scène, la deuxième partie permet de continuer à tromper le comte, de sauver le plan de Figaro et Suzanne. Structure qui ressemble à celle d’un feuilleton à suspense.

 

c) Une passage fortement comique.

 

  • tout d’abord, comique de situation avec présence dans le même espace du mari et de la femme, de la servante (que le comte veut pour maîtresse), et de Chérubin (qui fait figure d’amant mystérieux de la comtesse). Situation typique d’un vaudeville.
  • Utilisation originale et dynamique de l’espace, avec une scène de théâtre partagée entre la chambre de la comtesse, une alcôve, et un cabinet avec une porte. Jeu scènique et comique autour de la porte fermée. Le comte ne sait pas qui est derrière, quand le public est au courant. Suzanne, d’ailleurs, tient le rôle du spectateur dans la scène 13.
  • Enfin, comique de geste : ridicule du comte qui parle à une porte « Répondez-moi Suzanne, êtes-vous dans ce cabinet ? »(scène 13), comique de mots : « Elle donne sur la melonière ; quitte à gâter une couche ou deux »(scène 14). Parodie d’une scène d’aventure, d’une scène héroïque : « Il va se tuer ! », « exalté. Dans un gouffre allumé, Suzon![…]sauter par la fenêtre », la situation fait penser à un geste héroïque et romantique, or il saute d’un étage dans des melons…

 

(phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction)

 

II- Différentes visions de l’amour et des relations amoureuses.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

 

a) Une scène de jalousie.

 

  • la scène 13 nous montre une scène de ménage entre deux époux de longue date. Le moteur de l’action est évidemment la jalousie : « Et moi j’espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse »(scène 13).
  • Jalousie qui provoque la fureur chez le comte : « Ils en seront plus aisé à détruire »(scène 13), vocabulaire belliqueux, « je vous l’ordonne ! »(scène 13), besoin d’affirmer son autorité.
  • Il oublie ses manières et ne se présente plus du tout comme un gentilhomme : « vêtue ou non, je la verrai »(scène 13), il oublie aussi tout sens de la mesure : « Hola ! Quelqu’un ! ». Sa femme le rappelle à sa dignité : « attirer vos gens et faire un scandale public »(scène 13).

 

b) Les amours romantiques de Chérubin, et de Suzanne.

 

  • Chérubin, contrairement au comte, possède un sentiment protecteur pour la comtesse : « Je m’y jetterais plutôt que de lui nuire »(scène 14). Il se voit dans la position du chevalier servant touché par les malheurs de sa belle « quelle horrible scène ! »(scène 14), et prêt à tout pour elle « exalté » (scène 14).
  • Suzanne, elle-aussi, est prête à tout pour sauver son mariage auquel elle tient : « Et mon mariage, à Ciel ! »(scène 14), elle poursuit elle-aussi de manière déterminée son but pour sauver son amour « Prenons sa place au plus tôt »(scène 15). Son amour pour Figaro est d’ailleurs rappelé : « Courez conter à Figaro… »(scène 14).
  • Ces deux personnages nous montrent une vision de l’amour bien différente. Ils sont prêts à tout pour sauver leurs aimés, et agissent pour une bonne cause, contrairement au comte qui agit par jalousie.
  • Enfin, le baiser de Chérubin pour Suzanne ne prête pas à conséquence « Il l’embrasse »(scène 14), et provoque chez elle de l’affection et de l’amusement « Oh!le petit garnement ! »(scène 15). Pas de problème de jalousie en vue.

 

c) Une vision sociale de l’amour.

 

  • A travers la relation entre le comte et la comtesse, remise en cause du statut de la femme aristocrate à l’époque : « On n’a jamais poussé si loin la tyrannie ! »(scène 13). La comtesse dénonce la tyrannie masculine de son mari.
  • Vision d’une femme qui n’est pas libre, et qui dépend même jusque dans son intimité (ici sa chambre) de la volonté de son mari, du comte : « Partout ailleurs, je ne puis l’empêcher.. »marque l’autorité presque totale de son mari, ou encore « monsieur, qui songe à vous contrarier ? »(scène 13).
  • Hypocrisie du comte puisque celui-ci songe à exercer son droit de cuissage sur Suzanne, et refuse donc à sa femme qu’elle agisse de même avec un amant. Hypocrisie encore des rapports entre les deux puisque la peur du scandale l’emporte sur sa jalousie, et le fait redevenir momentanément un gentilhomme hors de la chambre ; en public : « acceptez mon bras je vous prie »(scène 13).
  • encore une fois, parallèle entre la noblesse et le peuple montre une plus grande liberté, une plus grande honnêteté du peuple dans la relation amoureuse. Mais aussi, que la dignité aristocratique se perd dans la jalousie, qui rend le comte ridicule. Beaumarchais critique une nouvelle fois une noblesse faite d’apparences.

 

(phrase de conclusion de la partie lors de la rédaction)

 

Conclusion :

 

Ce passage de trois scènes rapides est très rythmé. L’écriture nerveuse et expressive, le découpage trépidant, et l’action continue entraîne le spectateur dans une parodie de scène d’aventure, de scène héroïque. Le comique constitue aussi un ressort important de cet extrait. Le comte est ridiculisé par sa jalousie excessive, et le découpage de l’espace scénique permet au spectateur de profiter pleinement de cette situation de vaudeville. Mais derrière cette farce, Beaumarchais nous offre aussi une critique de l’aristocratie en dévoilant son hypocrisie, et la toute-puissance du comte, de l’homme sur sa femme. Les amours populaires paraissent en miroir plus légers et plus libres. (réponse à l’annonce de plan)

Par un passage comique et vivant, Beaumarchais cherche une nouvelle fois à ridiculiser la noblesse, et plus précisément la figure de l’homme aristocrate. En effet, le comte apparaît une nouvelle fois ridicule et hypocrite. Il harcèle sa femme, s’énerve, gesticule, pour finalement se faire piéger. L’intelligence, l’honnêteté et l’amour des autres personnages sont supérieurs à son autorité. (réponse à la problématique)

Cet extrait, au-delà de constituer un nouveau rebondissement de la pièce, possède une grande dynamique théâtrale. Beaumarchais joue avec le public, et le fait participer au comique de l’action par la partition de l’espace. Il effectue aussi une mise en abîme comique du théâtre avec Suzanne spectatrice pendant deux scènes, une parodie de scènes de théâtre héroïques et romantiques, et des personnages qui jouent un rôle : la comtesse indignée, le comte comme mari jaloux, Chérubin le héros, et Suzanne qui joue plusieurs rôles. (ouverture)

(conclusion en trois parties: réponse à l’annonce de plan, réponse à la problématique, ouverture, ici vers une autre problématique possible)

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3 commentaires sur “Le mariage de Figaro, Acte 2 (II), scène 13, 14, 15, commentaire, Analyse, Beaumarchais, 1784.”

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