Le loup et le chien , commentaire, analyse, Jean de La Fontaine, 1668

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Le Loup et le chien, fable V, Livre I, Jean de La Fontaine, 1668.

 

Le loup et le chien.

Un loup n’avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli , qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers ,  5
Sire loup l’eût fait volontiers;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc, l’aborde humblement,  10
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu’il admire.
«Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui répartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien:  15
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi? rien d’assuré; point de franche lippée ;
Tout à la pointe de l’épée.  20
Suivez moi, vous aurez un bien meilleur destin.»
Le loup reprit: «Que me faudra-t-il faire?
-Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens
Portants bâtons et mendiants;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire:  25
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons:
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse.»
Le loup déjà se forge une félicité  30
Qui le fait pleurer de tendresse
Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé.
« Qu’est-ce là? lui dit-il. – Rien. – Quoi? rien? -Peu de chose.
Mais encor? – Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.  35
– Attaché? dit le loup: vous ne courez donc pas
Où vous voulez? – Pas toujours; mais qu’importe? –
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. » 40
Cela dit, maître loup s’enfuit, et court encor.

Exemple d’un plan de commentaire avec introduction et conclusion de« Le loup et le chien », livre I, fable V, Jean de La Fontaine, 1668.

(Ceci est évidemment un exemple, et non un modèle. Votre réflexion personnelle peut vous mener vers d’autres pistes de lecture.)

 

Introduction :

 

La Fontaine, grande figure du classicisme, remet au goût du jour le genre de la Fable au XVIIème siècle, en s’inspirant des Anciens, notamment d’Esope et de Phèdre. Dédicacées au Dauphin (l’héritier de Louis XIV), il utilise souvent le monde animal pour dénoncer les injustices de son temps. La forme de la fable correspond parfaitement l’idéal classique de brièveté, et du « plaire et instruire ». (contexte littéraire et auteur).

Le récit met en scène un loup misérable, mais libre, et un chien vivant confortablement, mais privé de liberté. La fable exprime les avantages et inconvénients de chaque situation à travers de longues répliques du chien, et une morale implicite donnée par le loup. (Présentation du texte).

Comment l’auteur nous transmet-il son opinion dans par cet apologue dont il est en apparence absent ? (problématique)

Tout d’abord, nous nous concentrerons sur le caractère plaisant du récit, avant d’en montrer la portée morale par l’étude de l’opposition entre les deux protagonistes. (annonce de plan).

 

(introduction en quatre parties : accroche, présentation du texte, problématique, annonce de plan).

 

I- Un récit plaisant.

( phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) Une écriture rythmée.

  • hétérométrie avec une préférence pour l’octosyllabe (vers court), notamment du vers 6 à 10. De plus, diversité des vers empêche la monotonie : octosyllabes, décasyllabes, alexandrins (v. 5, v. 1, v. 3 par exemple).
  • Diversité des rimes encore : croisées (v1 à 4), plates (v.5 à 8) et embrassées (v.18 à 21). Change à plusieurs reprises le rythme des sonorités dans le poème.
  • Ponctuation abondante (de nombreux  « ; », et « , ») et césures à l’hémistiche dans les vers (v.5 ou 25 par exemple). Rythme saccadé accentué par des figures de style comme l’énumération (v. 4, v.17) ou la stichomythie (v.33-34).

b) un récit vivant.

  • le discours est majoritaire dans le poème (v.10 à 40). deux types de discours utilisés : discours indirect v.10 à 12, et discours direct v.13 à 29, et 33 à 40).
  • narration qui encadre la parole (v.1 à 9 et v.41) pour introduire et conclure, ou qui interrompt le discours du chien (v.30-33), et ainsi garde la vivacité dans un discours qui aurait pu apparaître trop long.
  • Le texte débute par la description des deux bêtes à l’imparfait, pour ensuite se développer au présent (v.10 à 41). Le présent de l’indicatif offre une impression de réalité, de proximité et renforce le caractère vivant du texte.

c) Une fable simple.

  • archétypes animaux habituels chez le fabuliste : le loup est sauvage, le chien domestiqué. Animaux anthropomorphes qui immergent le lecteur dans un univers merveilleux.
  • Fable courte avec quarante-et-un vers, dont la plupart ne sont pas des alexandrins. Impression de brièveté.
  • Une structure simple et efficace : v.1 à 9, exposition ; v.10 à 37, péripéties avec élément perturbateur v.32 (découverte du collier), et v.38 à 41, morale implicite (pas séparée du texte, ni annoncée par une formule).

 

( phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction).

 

II- Deux vies opposées.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) Deux conditions différentes.

  • Descriptions durant l’exposition avec une insistance sur la différence de corpulence : « Un loup n’avait que les os et la peau »(v.1), « Sur son embonpoint qu’il admire »(v.13)
  • Insistance sur l’aspect aisé, confortable, « bourgeois » du chien : « Gras, poli »(v.4), répétition de « gras »(v.14). Importance de la nourriture marquée : « franche lippée »(v.19), « Os de poulets, os de pigeons »(v.28).
  • En parallèle, le loup présente un aspect famélique et représente la pauvreté : « un dogue aussi puissant que beau »(v.3), signifie que le loup ne possède pas ses qualités. Condition du loup décrite par le chien : « Vos pareils y sont misérables »(v.16), « mourir de faim » (v.18). Il habite dehors à l’état sauvage : « Quittez les bois »(v.15).

 

b) Deux places différentes dans le récit.

  • place du chien prédominante dans le discours. Le loup est demandeur, il questionne quand le chien est en position d’offrir et de renseigner. En apparence discussion déséquilibrée, dont le chien paraît le guide.
  • Stratégie argumentative du chien efficace, et bien construite. Il cherche à convaincre le loup de le suivre. Dans un premier temps, il lui décrit sa situation misérable (v.19 à 21) pour ensuite lui exposer une situation plus enviable à l’aide d’arguments, d’exemples (v.23 à 29) : travail à effectuer paraissant peu pénible (v.23 à 25), récompenses promises abondantes et diverses (v.26 à 29). Utilisation de procédés oratoires comme la question rhétorique « Car quoi ? »(v.19), l’euphémisme « Presque rien »(v.23), l’hyperbole « force reliefs de toutes les façons »(v.27).
  • Le loup à l’inverse ne se caractérise pas par son éloquence (sauf à la fin), mais par son intelligence. Stratégie d’adaptation du loup : il revient sur sa première envie « Mais il fallait livrer bataille »(v.7), autre comportement adopté en conséquence marqué par le connecteur logique « donc » (v.10), il s’informe « Que me faudra-t-il faire ? »(v.22), succombe à l’argumentation du chien « Le loup […]de tendresse »(v.30-31, hyperboles), il observe « Qu’est-ce là ? »(v.33), pour finalement changer d’avis et partir.

 

c) Le choix de la liberté.

attitude pragmatique du loup montre sa liberté. Il s’autorise à changer, et ne se laisse pas piéger.

  • Figure du chien ressemble à celle d’un sergent recruteur à la recherche de nouveaux soldats : promesse d’une solde conséquente « votre salaire »(v.26), mais évite de mentionner les inconvénients « Rien », « Peu de chose »(v.33), ou utilise des euphémismes « est peut-être la cause »(v.35)
  • élément déclencheur du revirement du loup « Le collier dont je suis attaché »(v.34), symbolise l’esclavage, l’appartenance à quelqu’un. Morale ensuite donnée par le loup : « Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor »(v.40), hyperbole marquant le degré absolu de la liberté.
  • L’auteur nous indique sa préférence, son opinion par les deux titres donnés au loup : « Sire loup »(v.6), « maître loup »(v.41). Le chien au contraire est indéfini : « un dogue »(v.3), « le mâtin »(v.8). Actions sans honneur « donner la chasse aux gens »(v.23), Flatter ceux du logis »(v.25). Finalement condition sociale indépendante de la richesse, mais dépend la liberté. Morale implicite accentuée par les derniers mots « et court encor »(v.41) marquant le caractère intemporel et universel du propos.

 

(phrase de conclusion de la partie lors de la rédaction)

 

Conclusion :

 

La simplicité de cette fable lui assure son efficacité. L’environnement animalier habituel chez La Fontaine se marie avec la brièveté du récit et sa vivacité créée par une écriture rythmée et une place importante réservée au dialogue. L’enseignement du texte découle de l’opposition de vie, de condition, de caractère entre les deux animaux. Cette opposition aboutit à une morale implicite apportée par la parole du loup et par sa fuite, préférant ainsi la pauvreté à l’esclavage. (réponse à l’annonce de plan et reprise des conclusions partielles)

La Fontaine sans intervenir directement dans le récit exprime son opinion grâce au portrait des deux personnages. Le chien est éloquent certes, mais il manque d’initiative et son travail est déshonorant. Le loup est pauvre, mais il farde sa dignité et affirme son intelligence par sa capacité d’adaptation. La Fontaine met évidemment en avant l’amour de la liberté, valeur supérieure, selon lui, au confort et à la richesse. (réponse à la problématique)

La vie de l’auteur aide à comprendre la teneur de cette fable. Ecarté de la cour dans un premier temps à cause de son amitié pour Nicolas Fouquet (emprisonné par Louis XIV au début de son règne), il se réfugie dans l’écriture tout en gardant sa liberté d’esprit. Le confort et la richesse de la cour lui apparaissent dès lors comme surfaites par rapport à la liberté, età ses convictions. (ouverture).

 

(conclusion en trois parties : réponse à l’annonce de plan, réponse à la problématique, ouverture).

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