La princesse de Clèves, »Il parut alors une beauté à la cour » incipit, chapitre I (1), début scène du bal commentaire, Analyse, Madame de La Fayette, 1678.

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La princesse de Clèves, chapitre I (1), incipit, la scène de bal, Madame de La Fayette, 1678.

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le Vidame de Chartres et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l’avait laissée sous la conduite de Mme de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Mme de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance ; mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée.


Cette héritière était alors un des grands partis qu’il y eût en France ; et quoiqu’elle fût dans une extrême jeunesse, l’on avait déjà proposé plusieurs mariages. Mme de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu’elle arriva, le Vidame alla au-devant d’elle ; il fut surpris de la grande beauté de Mlle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

Exemple d’un plan de commentaire avec introduction et conclusion du chapitre I (1),incipit, la scène de bal, de la Princesse de Clèves, Madame de La Fayette, 1678.

( Ceci est un exemple et n’est pas un modèle. Votre réflexion personnelle peut mener à d’autres pistes de lecture. ).

Introduction :

En 1678 paraît un roman entouré de mystères, anonyme, et original pour l’époque par son court format : quatre tomes et quelques deux cents pages, là où les romans s’écoulaient sur plusieurs milliers de pages. Ecrit par Madame de La Fayette, une figure de la noblesse proche de Madame de Sévigné ou de La Rochefoucault, la Princesse de Clèves rencontre immédiatement le succès. Contant l’histoire tragique d’un amour impossible entre une jeune aristocrate, mariée au Prince de Clèves plus âgé qu’elle, et le duc de Nemours à la cour d’Henri II (1558-1559), l’auteur invente le genre du roman psychologique, et offre évidemment un témoignage des mœurs de son époque à la cour de Louis XIV. (accroche avec informations sur l’oeuvre)

L’extrait présenté fait partie de l’incipit du roman. L’écrivain nous décrit l’arrivée de son héroïne à la cour. C’est l’occasion de nous la présenter à travers une description physique et morale élogieuse, et aussi de l’introduire dans le théâtre de la cour, parmi l’aristocratie à Paris. (présentation du passage)

Comment Madame de La Fayette arrive-t-elle à travers un incipit classique à faire partager au lecteur sa vision de la société aristocrate à son époque ? (problématique)

Tout d’abord nous mettrons en avant le caractère classique et traditionnel de l’incipit, puis nous détaillerons les éléments du portrait élogieux de Melle de Chartres, avant d’analyser la description faite par l’auteur des mœurs de son temps. (annonce de plan)

(introduction en quatre parties avec accroche, présentation du passage, problématique et annonce de plan).

I- Un incipit classique.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) Informer rapidement le lecteur.

  • lieu de l’action donné directement : premiers mots « Il parut une beauté à la cour », répété dans le passage : « plusieurs années sans revenir à la cour », « la mener à la cour ». Insistance sur le lieu pour montrer son importance. (cour d’Henri II dans le récit, cour de Louis XIV dans la réalité, double lecture).
  • Temporalité du récit donnée par la présence du vidame de Chartres : grand noble du XVIème siècle de la famille De Ferrières ( Jean II de Ferrières, seigneur de Maligny vidame=vicomte)
  • Récit descriptif en partie, mais qui comporte une entrée directe dans l’action pour immerger le lecteur avec des verbes au passé simple : « Il parut »(impression immédiate), « le Vidame alla au-devant d’elle ;il fut surpris »( de nouveau action soudaine).

b) L’évocation de l’intrigue.

  • raison de l’apparition de la future princesse de Clèves abordée dans le passage : « l’on avait déjà proposé plusieurs mariages », but de cette entrée dans le monde de la cour : la marier.
  • Les raisons du prochain échec de son mariage sont aussi évoquées : « son etrême jeunesse », son innocence et sa méconnaissance du monde.
  • Enfin, la mise en garde, l’avertissement sur la tentation, le dilemme à venir est supposé dès le début : « attira les yeux de tout le monde ». Melle de Chartres apparaît comme étant un trophée à remporter dans ce monde de la cour.

c) L’introduction du personnage principal.

  • pas de précision quant à son identité au début : « Elle », puis introduite par sa mère « sous la conduite de Mme de Chartres », enfin par son nom de jeune fille « Melle de Chartres »à la toute fin du passage.
  • L’héroïne éponyme (du même nom que l’oeuvre) n’est pas encore devenue la Princesse de Clèves. Attente du lecteur de l’élément perturbateur. L’écrivain crée le suspens et l’attente, comme dans un incipit traditionnel.
  • Enfin, description complète de la future princesse de Clèves, qui nous rapproche du personnage principal tout en le présentant, avec un point de vue omniscient pour nous informer.

(phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction )

II- Un portrait complet et élogieux.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) Un portrait physique.

  • une insistance manifeste sur la beauté du personnage : répétition à quatre reprises du terme « beauté » dans le passage, et deux fois dans la première phrase
  • Dernières lignes se concentrent sur son physique avec précision : « la blancheur de son teint », « cheveux blonds », tous ses traits étaient réguliers », « grâce et charmes ». définition d’un canon de beauté à l’époque. Blancheur signifie qu’elle ne fait pas de travaux manuels, qu’elle n’est pas dehors à travailler la terre.
  • Éloge de sa beauté marqué par des hyperboles : « beauté parfaite », « grande beauté », utilisation d’expressions hyperboliques « il fut surpris », « il en fut surpris avec raison », répétition pour insister, enfin comparaison élogieuse : « elle donna de l’admiration dans un lieu où on était si accoutumé à voir de belles personnes ».

b) Un portrait moral.

  • mise en avant du rôle de sa mère, qui elle-aussi reçoit des compliments élogieux : énumération hyperbolique « le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires », par lien de parenté cela rejaillit sur la princesse de Clèves.
  • Description de son éducation à la fois classique et moderne : répétition à trois reprises du terme vertu (absolu de la morale classique), mais à côté originalité avec présent de vérité générale « La plupart des mères s’imaginent.. » « opinion opposée, elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ».
  • But : atteindre la perfection : « d’éclat et d’élévation » (évidemment référence à une vie menée dans le respect de la religion, élévation vers Dieu), « aimer son mari et d’en être aimée », but à atteindre pour une femme dans sa vie terrestre.
  • Melle de Chartres a été éduquée pour être mariée, et être une femme dévouée tout en étant avertie de la vie en couple.

c) Un portrait social.

  • Importance extrême accordé au rang, à la naissance : « une des plus grandes héritières de France », « un des grands partis qu’il y eût en France ». Répétition de son rang pour insister sur la naissance illustre de cette jeune femme.
  • Précision donnée pour sa parenté par rapport à un aristocrate présent à la cour « Elle était de la même maison que le vidame de Chartres », ceci afin d’apporter un regard documentaire et historique sur son nom, renforce la hauteur de sa naissance.
  • Enfin, hyperbole autour de son rang avec l’attitude de sa mère : « Mme de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait rien digne de sa fille », noblesse rare, qui ne pouvait rencontrer un mari égal à elle qu’à la cour, près du roi.

(phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction).

III- La vision de l’auteur su son époque.

(phrase d’introduction de la partie et de rappel du thème lors de la rédaction).

a) Une vision de la femme.

  • femme vue essentiellement sous l’angle de sa beauté. Elle paraît déjà parfaite alors qu’elle ne s’est pas exprimée. Son caractère ou son intelligence ne sont pas jugés.
  • Sa deuxième qualité est sa jeunesse, rappelée : « seizième année », « extrême jeunesse ». Marque ainsi l’importance de la virginité des femmes pour les marier à l’époque et leur âge très jeune.
  • Femme soumise à l’homme, à son mari : « à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme qui est d’aimer son mari et d’en être aimée ». Position centrale de l’homme. Le bonheur de la femme passe entièrement (« à ce qui seul ») par lui.

b) Sa vision de l’homme et du mariage.

  • l’homme fait peur à « l’honnête femme » : « dangereux ». Enumération de ses défauts, portrait péjoratif des hommes : « elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité ».
  • en miroir des obligations de la femme, dénonciation de l’injustice existant au sein du couple entre les devoirs féminins et la liberté masculine. Combat permanent de la femme pour rester honorable, quand l’homme fait ce qu’il veut : « combien il était difficile de conserver cette vertu ».
  • mariage vu aussi péjorativement, comme une contrainte, et non comme un bonheur : « les malheurs domestiques où plongent les engagements » (engagement=mariage). Quotidiennement (domestique) le mariage est un souci pour la femme. Terme fort de « malheurs », presque tragique. Destiné d’être mariée vue en opposé du cliché habituel, une tragédie et non un bonheur.

c) Une description de la cour.

  • Un lieu féérique, « dans un lieu où on était si accoutumé à voir de belles personnes », lieu de la beauté et du bon goût.
  • Un lieu où tout le monde se regarde, propice à l’intrigue et à la jalousie : « qui attira les yeux de tout le monde ». Nouvelle parmi les aristocrates, elle suscite la curiosité et l’intérêt des hommes qui regardent son physique, mais aussi sous-entendu des femmes qui analysent une rivale.
  • Un lieu où le rang dépend de sa naissance, et de sa parenté. Insistance sur sa famille et sa réputation : « de la même maison que le vidame de Chartres » (elle a donc sa place à la cour du roi), insistance sur Mme de Chartres sa mère , connue à la cour « elle avait passé plusieurs années avant de revenir à la cour », elle y était donc avant. « Pendant cette absence » marque le fait que la cour est l’endroit important, l’absence y est remarquée.

(phrase de conclusion de la partie lors de la rédaction).

Conclusion :

Par cet incipit traditionnel, l’auteur nous présente le personnage principal. Il la décrit physiquement, moralement et socialement. Elle est introduite dans le roman en même temps que le décor, celui de la cour d’Henri II. Sa beauté est mise en avant, ainsi que sa vertu et sa naissance. Elle représente l’héroïne classique. Cependant, l’originalité du roman se perçoit directement dans la vision moderne de Mme de La Fayette, qui montre bien l’inégalité dans le mariage entre les hommes, libres et puissants, et les femmes, soumises et contraintes. (reprises des conclusions partielles et réponse à l’annonce de plan).

Ainsi, l’auteur exprime une vision « féministe » des rapports humains. Ceci constitue une des forces de l’oeuvre. Ecrite par une femme avec une femme comme héroïne, ce roman trouve sa particularité dans une approche féminine de la vie. Le regard porté sur l’héroïne est avant tout celui des hommes à travers sa beauté. Son destin est dès le début celui de se marier, mais elle n’a pas à s’exprimer. Son avis n’est pas donné. Ici, Madame de La Fayette impose à son époque une vision moderne de la femme et du mariage. (réponse à la problématique)

Le début du roman nous plonge directement dans l’atmosphère de la cour. Il nous indique aussi la problématique de l’oeuvre en insistant sur la vertu de l’héroïne, mais aussi sur sa beauté qui ne manque pas d’attirer les regards. Dès le début la tragédie est annoncée. La jeune héroïne sera mariée à un homme de son rang (le Prince de Clèves), quand dans cette cour pleine de tentation, un autre homme (le duc de Nemours) remarquera ses charmes pour lui ravir son cœur, qu’elle lui refusera emprisonnée par son éducation vertueuse. (ouverture)

(conclusion en trois parties avec réponse à l’annonce de plan, réponse à la problématique, et ouverture).

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