Green, romances sans paroles, aquarelles, Verlaine, 1874, commentaire, analyse.

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Poème « Green », Romances sans paroles, dans « Aquarelles », Verlaine,1874.

Green

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.

J’arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encore de vos derniers baisers ;
Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

Romances sans paroles, Verlaine, 1874.

Exemple d’un plan de commentaire du poème « Green » de Paul Verlaine, dans Romances sans paroles, section Aquarelles, 1874.

(Ceci n’est évidemment pas un modèle, mais un exemple. Votre réflexion personnelle peut mener à d’autres pistes de lecture).

Introduction :

Verlaine, poète parnassien puis symboliste du XIXème siècle, grande figure des poètes maudits, il reste connu pour son œuvre riche et personnelle, et pour sa vie mouvementée. Amant de Rimbaud de 1871 à 1873, il est emprisonné ensuite jusqu’en 1875. Sa poésie est caractérisée par la musicalité de ses vers, son lyrisme, son appel aux sensations visuelles et auditives, ainsi que par la mélancolie. (accroche)

Le recueil Romance sans paroles paraît d’ailleurs pendant son emprisonnement. Constitué de poèmes écrits pendant ses pérégrinations avec Rimbaud, et pendant son incarcération. Le recueil est composé de quatre parties, dont la dernière s’intitule « Aquarelles », comprenant six poèmes, dont « Green ». (présentation du texte)

Quelle vision de l’amour nous offre Verlaine à travers ce poème ? (problématique)

Tout d’abord, nous verrons que le texte est un éloge de la femme aimé, puis nous analyserons la diversité des prières contenues dans le poème. (annonce de plan)

(introduction en quatre parties avec l’accroche, la présentation du texte, la problématique, et l’annonce de plan).

I- Un éloge lyrique de la femme aimée.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) Un poème traditionnel.

    • Versification classique. Alexandrins tout au long du poème : vers 1,5,12 par exemple. Césure à l’hémistiche : « Ne le déchirez pas(6)/avec vos deux mains blanches(6) »(v.3). Alternance rimes féminines/masculines : « branches »/  « vous »/  « blanches »/  « doux », de même dans les deux autres strophes.
    • Structure régulière avec trois quatrains, composés de deux phrases de deux vers à chaque fois (coupure dans la troisième strophe avec un « ; »v.10)
    • Thème de l’amour, et bucolisme avec présence forte de la nature, avec un grand respect de la femme qui rappelle l’amour courtois : « humble présent »(v.4), « Souffrez »(v.7).

b) Un poème lyrique.

    • Omniprésence de la première personne du singulier. Dès le début : « mon coeur »(v.3), et plusieurs fois dans les deux strophes suivantes : « J’arrive »(v.5), « mon front »(v.6), « ma fatigue »(v.7), « ma tête »(v.9), « je dorme »(v.12)
    • Expression personnelle des sentiments amoureux, comme l’atteste le terme « coeur »(v.3), ou l’oxymore « bonne tempête »(v.11) évoquant la passion.
    • Participation de la nature à ce lyrisme : énumération du vers 1, « rosée » (v.5).
    • Enfin, impression d’une réalité vécue, proche avec des démonstratifs « Voici »(v.1,2), ou l’utilisation du présent « J’arrive »(v.5).

c) Un blason.

    • Eloge de la femme à travers des parties de son corps : « mains blanches »(v.3), « yeux si beaux »(v.4), « jeune sein »(v.9). La femme mise en avant est donc jeune, au teint pâle, et avec des beaux yeux. Cela ressemble à un cliché physique de l’époque.
    • Eloge de la femme à travers sa supériorité par rapport à l’auteur : unicité de l’amour du poète « qui ne bat que pour vous » (v.2), ou « humble présent »(v.4).
    • C’est une femme sensuelle qui est ici idéalisée : le toucher avec les mains, la vue avec les yeux ou l’ouïe avec la sonorité des baisers.
    • Enfin sexualité de la femme par l’évocation de la relation sexuelle « bonne tempête »(l’acte sexuel), « jeune sein »(nudité).

(phrase de conclusion/transition de la partie lors de la rédaction)

II- Une prière à triple sens.

(phrase d’introduction de la partie avec rappel du thème lors de la rédaction)

a) Une prière pour séduire.

    • démarche de séduction de l’auteur par le don : offrandes du vers 1, don de soi (« coeur » v.2), repris au vers 4 par « l’humble présent ».
    • répétition de son désir dans la deuxième strophe : « Rêve des chers instants qui la délasseront »(v.8), périphrase pour évoquer la relation sexuelle.
    • Prière montrée par l’impératif « Souffrez ». Position du soupirant qui prie sa belle de l’aimer. La première strophe pose cette attitude de celui qui se présente avec humilité et beaucoup de présents pour espérer attirer l’attention de la belle.
    • Déification de la femme, comme une statue « à vos pieds »(v.7),qui ne répond pas, absence de réplique ou d’action de sa part dans le texte.

b) Une prière pour se protéger.

    • Malaise de l’auteur perceptible par le registre pathétique. Souffrance physique : « glacer mon front »(v.6), « ma fatigue »(v.7), comme s’il était malade.
    • Innocence de Verlaine : « J’arrive tout couvert de rosée »(v.5), « vent du matin »(v.6). Impression d’un nouveau-né. Face à la femme, le poète est sans défense.
    • Peur de la froideur de cette femme évoquée par les « mains blanches »(v.3), « glacer »(v.6).
    • Prière pour éviter le désespoir, la déception, impératif « Ne le déchirez pas »(v.3). Terme très fort et violent traduisant une expérience amoureuse difficile chez Verlaine. Il cherche à se protéger des maux de l’amour.

c) Une prière pour trouver le repos.

    • champ lexical du repos présent dans les deux dernières strophes : « reposée »(v.7), « délasseront »(v.8), « s’apaiser »(v.11), « dorme », « reposez »(v.12).
    • La première moitié du poème paraît plus orientée sur la passion, et la seconde sur le repos. Passage d’une stratégie de séduction réussie à un état de calme tranquille, cherchant le sommeil.
    • Double impératif de la dernière strophe : « Laissez »(v.9,11). Insistance sur ce besoin de repos, renforcé par la chute « que je dorme »(v.12). Une prière forte à la divinité femme qui n’a pas de nom, pas d’identité, mais une fonction, celle de la tendresse et de la douceur.
    • Le repos apparaît dans un second temps comme une obsession du poète. Sa vie tourmenté, et son âme torturée cherchent un asile pour se reposer, pour sa tranquillité.

Conclusion :

Avec ses trois quatrains réguliers, ce poème lyrique dresse l’éloge de la femme aimée. Un éloge physique avant tout nous est offert par l’auteur. Il est marqué par la supériorité manifeste de la femme par rapport à lui. Ce texte est aussi une prière pour connaître l’amour et à la fois pour se protéger des déceptions sentimentales. A travers la réalisation de la relation sexuelle et amoureuse, Verlaine cherche le repos de son âme et de son cœur. (réponse à l’annonce de plan)

Verlaine décrit une vision de l’amour centrée sur lui et ses attentes. La femme est belle et doit être maternelle pour recueillir ses tourments. Elle correspond à la volonté du poète d’être entouré, protégé, rassuré. L’absence d’identité de la femme, l’insistance sur les émotions du poète nous guide vers le virage impressionniste pris par l’auteur à cette époque.(réponse à la problématique)

L’image renvoyée de la femme aimée dans ce poème rappelle celle du poème « Mon rêve familier » du recueil Poèmes saturniens (1866). Tel un fantôme, la femme traverse le poème comme une statue sans parole, sans forme véritable, mais avec un rôle d’âme sœur pour Verlaine. (ouverture)

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